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Pro League - Solidité, noyau et Mazzu-mania : les secrets de la réussite de l'Union Saint-Gilloise

La joie des joueurs de l’Union après un but.

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Par Antoine Hick

48 ans de disette. 48 longues et frustrantes années à humer l’air des divisions inférieures en rêvant secrètement de retrouver l’élite. Sevré de D1 depuis 1973, l’Union a enfin fait son grand retour l’été dernier. Un come-back que les Bruxellois avaient espéré fracassant, dans la plus droite lignée de leur formidable épopée en D1B de l’an dernier. Fracassant le retour, on s’attendait à ce qu’il le soit. Mais peut-être pas à ce point-là…

“On vise le maintien.” Sourire narquois aux lèvres et armé de sa contagieuse décontraction, Felice Mazzu fait profil bas. Inutile de fanfaronner. La démonstration de force (4-0) face à son ancien club, Charleroi, ne vient en rien entacher la sempiternelle humilité.. de façade du coach de l’Union. Pourtant, dans les chiffres, Mazzu aurait des raisons de crâner. Ou du moins de revoir ses objectifs, personnels et collectifs, sensiblement à la hausse.

Et pour cause… branché sur courant alternatif en début de saison, son Union a su passer la vitesse supérieure depuis quelques semaines. Résultat, depuis début octobre Saint-Gilles reste sur 5 victoires consécutives en Pro League et un 15/15 bien tassé. En tête du championnat, meilleure attaque et meilleure défense, le promu n’a finalement plus grand-chose d’un promu. Une question se pose dès lors : comment expliquer cette lune de miel qui se prolonge semaine après semaine ? Tentative de réponse.

La continuité, maître-mot de l’Union

Aujourd’hui, dans un univers footballistique où changer de club comme de chemise est devenu l’apanage des plus grands, l’Union fait figure d’anomalie. Parce que depuis trois ans, au Parc Duden, on mise sur la continuité.

Parmi les tauliers de la saison 20/21, seul Mathias Fixelles a été poussé vers la sortie. Pour le reste, l’équipe est (quasiment) la même que l’année dernière. La preuve, les huit plus gros temps de jeu sont à mettre au crédit de joueurs qui étaient déjà présents la saison dernière. Parmi les nouveaux, Bart Nieuwkoop est le plus utilisé par Mazzu (il n’est que 9e). Tous les autres pointent loin derrière.

Les plus gros temps de jeu de l’Union cette saison

1. Ismaël Kandouss

1252 minutes

2. Capser Nielsen

1238 minutes

3. Denis Undav

1209 minutes

4. Dante Vanzeir

1204 minutes

5. Anthony Moris

1170 minutes

6. Teddy Teuma

1107 minutes

7. Loic Lapoussin

1032 minutes

……

 

Les nouveaux

 

9. Bart Nieuwkoop

833 minutes

12. Damien Marcq

609 minutes

15. Kaoru Mitoma

352 minutes

16. Lazare Amani

169 minutes

18. Mathew Sorinola

90 minutes

19 joueurs utilisés, le plus faible total parmi les gros : un noyau dur autour de Mazzu ?

En tout, Mazzu n’a fait appel qu’à 19 joueurs différents depuis le début de la saison en championnat, dont trois auxquels il n’a octroyé que des miettes (90 minutes pour Pirard et Sorinola, 59 pour Avenatti). Parmi les équipes qui trustent le haut du panier, c’est le total le plus faible. Seul Malines, surprenant 4e, n’a utilisé que 20 joueurs, soit un de plus.

Pour le reste, les "grosses" armadas belges brassent plus large : 21 pour Anderlecht, 22 pour Genk, 24 pour Charleroi et Gand, 25 pour Bruges et 26 pour le Standard. La palme revient à l’Antwerp qui a déjà utilisé 29 joueurs différents depuis le début de la saison.

La preuve donc que, comme à Charleroi en son temps, Felice Mazzu aime faire confiance aux mêmes hommes et façonne, à sa manière, une colonne vertébrale homogène et solidaire. Les nouveaux transfuges s’intègrent donc au compte-gouttes, petit à petit, sans chambouler l’équilibre préétabli. De quoi permettre à l’équipe de développer des automatismes sur et en dehors des terrains. "On a choisi de démarrer la saison avec cette équipe qui se connaît par cœur. On sait qu’on a des joueurs sur le banc qui sont potentiellement des titulaires, qui ne sont pas des deuxièmes choix. Mais tant que cela fonctionne, on continuera comme cela" expliquait Mazzu en début de saison. Force est de constater que quelques mois plus tard, ce discours n’a pas vieilli, au contraire même.

A voir cependant si, sur la durée, cet essorage progressif des troupes ne lui sera pas fatal. On se rappelle du Beerschot qui, la saison dernière et avec une politique sportive similaire, avait longtemps rêvé de P01, avant de s’écrouler en fin de saison.

La "Mazzu-Mania" ou l’illustration d’un noyau qui croit en son coach

La joie unioniste après un but.

Mais là où Mazzu fait sans doute encore plus fort c’est qu’il parvient à créer une vraie osmose et à fédérer autour de lui. Si "l’Union est une grande fête", comme aiment le rappeler les supporters, Mazzu en est son plus fidèle représentant, toujours prêt à aller au charbon ou monter au créneau pour défendre ses troupes. "Ici à l’Union, on a réussi à créer un vrai ciment entre les joueurs, et Felice Mazzù y contribue par son approche hyper-humaine" expliquait Teddy Teuma dans le Gril d’Erik Libois il y a quelques semaines. Une belle preuve de confiance pour un Mazzu qui doit savourer ce retour au premier plan, lui qui avait (injustement) été voué aux gémonies après son échec à Genk.

Sa danse de la victoire avec les supporters après la victoire contre Charleroi est sans doute l’illustration la plus flagrante d’un Mazzu libre dans sa tête et à qui on laisse (enfin) la latitude de développer la vision du foot qu’il chérit. Son immuable 4-3-3 rangé au placard, il a accepté de changer son fusil d’épaule en optant pour un 3-5-2, système dans lequel la plupart des tauliers semblent s’épanouir : "Nos attaquants défendent beaucoup De l’attaque à la défense, chacun joue pour son coéquipier. Nous nous basons sur notre collectif, ce qui est notre grande force nous permettant de n’encaisser que très peu de buts" expliquait encore le capitaine Teddy Teuma au micro de la DH il y a quelques mois.

L’Union fait la force… surtout en défense

Christian Burgess, défenseur de l'Union Saint Gilloise.

Une défense ultrasolide, élément souvent oublié dans la réussite actuelle des Bruxellois. Organisé autour de l’impeccable (et sous-estimé) Ismaël Kandouss, l’arrière-garde est, pour l’instant, la plus imperméable du royaume (13 buts encaissés, 3 de mieux que Bruges et ses 16 roses concédées). Sur les flancs, Nieuwkoop ou François ont cette faculté de se replier particulièrement vite en perte de balle. De quoi transformer le trio arrière (Burgess, Van der Heyden, Kandouss) en un quintuor difficile à manoeuvrer. Derrière, Anthony Moris a enfin trouvé la stabilité qui lui faisait défaut depuis le début de sa carrière. Avec Simon Mignolet (Bruges) et Marko Ilic (Courtrai), il est d’ailleurs le portier à accumuler le plus de clean-sheets (5) cette saison.

Et si elle connaît encore quelques trous d’air, la formation unioniste a l’inhabituelle faculté (pour un promu) de se transcender quand elle affronte des gros. Le match d’ouverture face à Anderlecht ? Victoire 1-3. Le duel à domicile face au Standard ? Un récital, 4-0. Un déplacement toujours difficile à Gand ? Net et sans bavure, 0-2. Et pour finir, un duel face à Charleroi ? Bim, bam, boum, 4-0. Au final, seul Bruges (0-1) et l’Antwerp (1-2) auront su résister à la furia unioniste parmi les "gros".

Et que dire du tandem d’attaquants Vanzeir-Undav qui déjoue tous les pronostics en s’érigeant comme le plus redoutable binôme offensif du pays ? Ultra-complémentaire, les deux hommes ont planté 19 buts et délivré 14 passes décisives ensemble. De quoi logiquement récolter les louanges de leur coach. Un hommage… à la Mazzu : "Ils s’entendent à la perfection sans aucun égoïsme et se bonifient l’un l’autre. Si l’un était une femme et l’autre un homme, je pense qu’ils se marieraient ensemble."

Un mariage footballistique qui propulse l’Union vers les cieux du championnat. Et si, pour l’instant, on n’ose évidemment pas encore parler de titre, il faudra tout de même garder un œil sur cet intrigant promu. Parce que souvent, solidité défensive, alchimie collective et buteurs en confiance, font bon ménage. De là à devenir la plus grosse sensation de l’histoire récente du football belge ?

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