Nadia Murad, récompensée ce vendredi par le Prix Nobel de la Paix, est née en 1993 à Kocho dans le nord de l’Irak. Dans une zone montagneuse coincée aux confins de l’Irak et de la Syrie. Sa famille est pauvre. Nadia a douze frères et sœurs. Les Murad sont issus de la minorité des Yézidis (une religion monothéiste issue d’anciennes croyances de la région : un dieu unique et un "chef des anges" représenté par un paon) qui font partie du peuple kurde.
A l’école, la jeune fille aime l’histoire mais elle quitte rapidement les classes après la mort de son père.
Et survint la 2ème guerre d’Irak…
Nous sommes le 3 août 2014, les djihadistes du groupe terroriste état islamique attaque la ville de Nadia. En quelques heures, la ville de Sinjar, la plus importante de la région, tombe. Les Yézidis sont obligés de se convertir à l’islam mais beaucoup refusent et le calvaire débute.
Les habitants sont réunis dans une école. Les hommes et les femmes sont séparés. Les hommes sont exécutés par balle ou décapités. Les femmes sont divisées en trois groupes : les personnes âgées, les mères ou femmes enceintes et les filles.
Nadia, ses sœurs, cousines et nièces sont emmenées dans la ville de Mossoul. Là, plusieurs hommes se disputent la jeune fille. Un commandant de l’EI âgé de 28 ans et prénommé Salman lui demande à nouveau de changer de religion et de se marier. Face au refus de Nadia, il se met à la battre et à la violer. Nadia devient son esclave sexuelle, puis sera livrée à d’autres combattants, des viols collectifs d'une rare violence.
Pendant de longs mois, elle sera frappée, violée, vendue à plusieurs propriétaires (treize selon ses dires). Un jour, elle parvient à s’échapper et doit son salut à une famille sunnite qui accepte de l’aider en lui donnant les papiers de sa fille. Un document qui permet à Nadia de rejoindre un camp de réfugiés, nous sommes en février 2015. Elle contacte alors une organisation d’aide aux Yézidis et finit par rejoindre l’Allemagne ou un membre de sa famille a déjà trouvé refuge.
Amal Clooney pour amie
Elle s’installe à Stuttgart et rapidement son histoire parvient aux oreilles d’une avocate mondialement connue, Amal Clooney, l’épouse de l’acteur américain George Clooney. Elle la prend sous son aile parvenant à la faire témoigner devant le Conseil de sécurité des Nations unies. Après son intervention, le conseil s’engagera à aider l’Irak à réunir les preuves des crimes commis contre les Yézidis. Nadia Murad devient ambassadrice de bonne volonté pour la dignité des victimes du trafic d’êtres humains en septembre 2016.
Elle recevra le prix Sakharov quelques temps plus tard et dira "cette récompense est un message puissant (…) à notre peuple et aux plus de 6700 femmes, filles et enfants devenus des victimes de l’esclavage et du trafic d’êtres humains de l’EI".
Un militantisme ancré, une détermination profonde
Depuis le jour de sa fuite, Nadia Murad n’a de cesse de raconter son calvaire et dénoncer les exactions commises contre les Yezidis. Selon elle, 3000 femmes sont toujours portées disparues, sans doute captives. "Les djihadistes ont voulu prendre notre honneur mais ils ont perdu leur honneur", dit-elle à qui veut bien l’entendre.
Le peuple Yézidis comptait 550.000 membres en Irak avant 2014. Aujourd’hui, près de 100.000 d’entre-eux ont quitté le pays ou se sont installés au Kurdistan. Nadia, elle, mène son combat depuis l’Allemagne. Un combat raconté dans un livre, "pour que je sois la dernière".