"Ne vendez pas !" C'est en résumé l'appel lancé ce mardi matin par Aline Fares, membre de la plateforme "Belfius est à nous", sur La Première.
La privatisation partielle de la banque Belfius est désormais officiellement couchée sur le papier: elle fait partie de l'accord budgétaire conclu la semaine dernière par le gouvernement fédéral.
Belfius est actuellement à 100% dans les mains de l'État belge. Mais cela devrait changer : l'équipe de Charles Michel souhaiterait une entrée en Bourse et la vente de 30% de ses parts.
Proie des "hedge funds"
Bien que l'État resterait majoritaire, cette vente inquiète l'ancienne banquière qu'est Aline Fares. "On parle de vendre ces parts à des hedge funds, des fonds hautement spéculatifs", prévient-elle.
"Pourquoi viennent-ils, pensez-vous ? Qu'est-ce qu'on leur dit pour les convaincre ? On leur parle de rentabilité élevée, de parts des profits qui vont être reversées au titre de dividendes aux actionnaires importants. C'est sur cette base-là qu'ils viendront, ces investisseurs. Et à partir de là, la banque va être gérée de manière à engranger toujours et encore plus de bénéfices pour maximiser la valeur pour l'actionnaire."
Une plus-value, à mettre en perspective ?
Reste que l'opération pourrait rapporter, selon les estimations, entre 1,4 et 4,4 milliards d'euros. De quoi faire baisser la dette publique "d'un très beau"… 0,5%, dit-on.
"Les sauvetages bancaires ont coûté, au total une augmentation de plus de 30 milliards de la dette publique belge", chiffre Aline Farès. "On parle de montants autrement plus gigantesques que les quelques milliards que l'on pourrait potentiellement récupérer en revendant."
Il s'agit pour la représentante de la plateforme "Belfius est à nous" d'une "perspective à très court terme pour une politique de rentrées d'argent à tout aussi court terme". Et, ajoute-t-elle, "on se défait au passage de quelque chose qui a de la valeur".
De la valeur, d'abord pour les recettes régulières, relativement importante. Jusqu'à présent, 100% des dividendes reversées l'étaient dans le portefeuille de l'État belge. Pour 2017, Belfius "a prévu de redistribuer (…) 247 millions", écrivait Le Soir, précisant qu'il s'agissait de l'hypothèse minimaliste.
Et vendre 30%, ce serait évidemment dire "adieu à 30% des dividendes futurs", ajoutait encore le quotidien.
De l'intérêt d'une banque publique
Mais ce n'est pas le seul argument : "Nous n'avons pas de banque publique, c'est la seule. Nombreux sont les pays qui ont compris la valeur d'une banque publique : l'Allemagne, la Suisse, le Luxembourg… en ont", explique-t-elle, citant l'exemple de la Spuerkeess, la banque d'État luxembourgeoise qui, dit-elle, a résisté et s'est même développée lors de la crise financière de 2008. "Les gens ont davantage confiance dans les banques publiques."
Second argument : "Belfius, c'est un outil. Elle a un ancrage local. (…) C'est la première banque des communes, du secteur public. Qui sait ce que vont devenir tous les crédits auxquels sont tenues les communes si Belfius devient privée ?".
Et puis, ajoute-t-elle, "si elle reste publique, on peut lui donner une direction", dans une période d'instabilité. "Ce serait une force de la garder."
On dépense énormément pour sauver une banque. Et dès qu'elle s'en sort, on s'en défait
Mais, au-delà de l'intérêt de l'institution bancaire, Aline Fares s'interroge sur la démarche du fédéral. Lorsqu'en 2011, la Belgique rachète Dexia pour la sauver, c'est une opération risquée – la banque est au plus mal –, mais temporaire, prévient Didier Reynders (MR), alors ministre des Finances.
Aujourd'hui devenue Belfius, la banque se porte bien. Les bénéfices et les dividendes sont importants. Et pourtant, l'État vend.
"On dépense énormément d'énergie, d'argent public, pour sauver une banque. Et dès qu'elle s'en sort, on s'en défait. Pendant plus de 100 ans, le Crédit communal a été public. On l'a privatisé et 10 ans plus tard, c'est la Bérézina avec la faillite de Dexia. (…) Puis, on la sauve. Et une fois que tout va bien, on veut la vendre ?", résume, incrédule, Aline Fares.