C'est la CAAP, la Concertation des Associations Actives en Prison qui a rédigé ce rapport. Qu'il s'agisse de formation, d'aide psychosociale ou de préparation à la sortie de prison, à chaque fois, les conclusions sont les mêmes : il y a un manque criant de moyens et de cohérence.
Les exemples concrets ne manquent pas. Prenons l'aide psychosociale : on compte parfois 1 psychologue pour 700 détenus et les délais d'attente peuvent dépasser les 12 mois. Prenons le sport : seuls 9 établissements sur 17 proposent une ou deux activités sportives régulières et encadrées. À Forest, aucune activité sportive encadrée n'est organisée alors qu'on compte 619 détenus pour 405 places.
La santé aussi concernée
Prenons un exemple en santé, aussi : les maladies infectieuses sont plus courantes en prison, mais il n'y a pas de réel programme de dépistage. Vinciane Saliez, de l'ASBL Modus Vivendi, dénonce : "Le ministère de la justice est incapable de nous dire combien de détenus se font dépister et ils nous donnent des résultats du type 'Plus ou moins 1% des détenus ont une hépatite C', or, dans les pays limitrophes comme la France ou le Luxembourg, on connaît des chiffres de 15 ou 18% d'hépatite C. Donc il est certain que le chiffre est équivalent en Belgique."
Au-delà de cet exemple, pour Vinciane Saliez, la santé des prisonniers n'est pas considérée comme une priorité : "Malgré les recommandations internationales, la santé dépend toujours de la Justice en Belgique alors forcément la sécurité passe toujours avant la santé. Les équipes médicales sont en nombre insuffisants, les médecins ne sont pas payés pendant des mois, et ces équipes médicales n'ont même pas de mission de prévention et de promotion de la santé."
La situation, déjà catastrophique, empire
Le rapport cite aussi des exemples pour les activités culturelles (la section homme de Lantin n'offre qu'une activité culturelle par mois - un cinéclub - pour 25 détenus sur 967), pour les activités préparant la sortie de prison, ou encore, évidemment, la formation.
Pour Jacqueline Rousseau, la présidente de la CAAP, la situation ne fait qu'empirer : "Nous sommes en train d'assister pour l'instant à une diminution des moyens, et une diminution des activités proposées. Il y a des formations qui étaient dispensées dans certaines prisons qui ne vont plus l'être."
Au-delà du manque de moyens, elle insiste aussi sur le manque de cohérence entre les différentes prisons : "Il y a une grande disparité de l'offre entre les prisons. Certaines prisons ont une offre très minimum. Si un détenu est transféré d'une prison à une autre, il ne pourra pas faire un cheminement progressif, un continuum. Sa formation sera interrompue. Donc, c'est vraiment du temps perdu pour le détenu et des moyens perdus pour la société."
Après 10 ans, la loi "de principes" attend toujours ses arrêtés d'application
La loi dite "de principes" de 2005 prévoyait pourtant l'obligation d'établir un plan de détention. Olivier Gelin, de l'ASBL Après, précise : "L'idée du plan de détention, c'est vraiment d'essayer d'identifier, dès le début de la détention, pour chaque détenu, quelles sont ses lacunes et ce qu'on peut mettre en place pour que sa sortie se passe dans de meilleures conditions."
Mais après 10 ans, on attend toujours les arrêtés d'application. Pour les associations, l'explication est claire : un plan de détention obligatoire forcerait les autorités à mettre en place, et donc à financer les moyens pour le mener à bien...
Pas de moyens supplémentaires
Rachid Madrane (PS), le ministre francophone des Maisons de Justice, est aussi en charge de l'aide aux détenus en Fédération Wallonie-Bruxelles. Il était présent à la présentation du rapport. Il a précisé qu'il allait tenter de mieux structurer et coordonner l'aide aux détenus. Il souhaite aussi améliorer la concertation entre les différents ministres compétents, mais, il le dit déjà, il n'y aura pas de moyens supplémentaires.
D.V.O.