Belgique

Prisons : l’Etat belge condamné à indemniser des détenus D-radex

Une cellule de l’aile D-radex de la prison d’Ittre.

© RTBF

Par Stéphanie Lepage

Plusieurs détenus ou ex-détenus des ailes spécifiques D-Radex ont porté plainte contre l’Etat Belge, reprochant l’inhumanité de leurs conditions de détention et l’absence de recours possible. L’affaire a finalement été tranchée en appel. La cour a donné raison aux plaignants quant au fait d’être privé de tout recours effectif à leur placement en D-Radex. L’Etat belge est condamné à verser une indemnité de 2500 euros pour dommage moral à l’égard de chaque détenu.

Les plaignants "peuvent se plaindre du sentiment d’injustice qu’ils ont pu ressentir du fait d’être privés de tout recours effectif pour contester leur maintien dans l’aile D-Radex. Ils n’ont en effet même pas été informés de décisions de prolongation périodiques, à l’encontre desquelles ils auraient pu former un recours, et ils n’ont bénéficié d’aucune procédure interne adéquate préalable à ces décisions" détaille la cour d’appel de Bruxelles dans son arrêt définitif rendu le 12 avril dernier.

Jusqu’à aujourd’hui, les détenus placés en D-radex par l’administration pénitentiaire n’ont aucun moyen de contester cette décision. "On leur a collé cette étiquette de prosélyte mais on ne leur donne pas possibilité s’expliquer", regrette Nicolas Cohen, avocat de trois des détenus à l’origine de la citation devant le tribunal. "C’est extrêmement dangereux au niveau du droit car on donne à l’administration pénitentiaire le pouvoir d’imposer de mesures de détention en réalité décidées par le judiciaire. Un tribunal qui a débattu et a décidé d’une peine prison mais pas d’une peine de prison dans la prison".

Après avoir été en appel de la décision en première instance, l’Etat belge est définitivement condamné à verser 2500 euros pour dommage moral causé à chaque plaignant.

Une cellule de l’aile D-radex de la prison d’Ittre.
Une cellule de l’aile D-radex de la prison d’Ittre. © RTBF

Malgré nos sollicitations, le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne n'a pas souhaité réagir à cette décision judiciaire et renvoie la balle à l'administration pénitentiaire. 

Celle-ci nous a fait savoir qu'elle "a bien pris connaissance de cet arrêt et analyse plus particulièrement comment pouvoir répondre aux éléments formulés dans cet arrêt qui n'est, dans son ensemble, pas tout à fait négatif. Le régime de base ainsi que le concept des sections D-radex ne sont effectivement pas remis en cause. Concernant la décision de maintien en section D-radex qui est pointée du doigt par l’arrêt, le processus sera réévalué et adapté. Mais pour rappel, la problématique de la radicalisation est complexe et dans ce contexte, il y a lieu de prendre les mesures de précautions nécessaires étant donné le risque de prosélytisme".

La cour ne condamne pas le régime d’exception lui-même

Les ailes D-radex ont été créées après les attentats de 2015 et 2016 pour lutter contre le radicalisme en prison et isoler les détenus soupçonnés de faire du prosélytisme religieux auprès d’autres détenus. Il s’agit d’une prison dans la prison offrant des conditions de détention plus strictes.


►►► À lire aussi : Prisons : l’Etat belge condamné à indemniser des détenus radicalisés


En 2017, les sept détenus qui ont porté plainte contre l’Etat belge, dénonçaient également leurs conditions de détention jugées contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Absence d’accès au grand préau et sortie dans un petit espace avec une grille au plafond, règles spécifiques pour les visites, les appels téléphoniques, accès difficile à la salle de sport, au travail, aux formations, aux consultations médicales… et surveillance permanente.

La cour d'appel de Bruxelles ne leur donnera pas raison sur ce point estimant que la Cour européenne des droits de l’Homme reconnaît les régimes d’exception à certaines conditions : "Des considérations d’ordre public peuvent amener des États à créer des prisons de haute sécurité pour des catégories particulières de détenus et, dans de nombreux États parties à la Convention, des règles de sécurité plus strictes s’appliquent en effet à l’égard des détenus dangereux. Destinés à prévenir les risques d’évasion, d’agression ou la perturbation de la collectivité des détenus, ces régimes ont comme base la mise à l’écart de la communauté pénitentiaire accompagnée d’un renforcement des contrôles".

Au total depuis 2016, 30 détenus ont été incarcérés dans les sections D-radex d’Hasselt ou d’Ittre.

A la date du 11 janvier 2021, la Direction générale des Etablissements pénitentiaires (DG EPI) surveillait 100 détenus pour radicalisme, extrémisme et terrorisme, répartis comme suit : 43 dans les prisons qui dépendent de la direction Nord de l’administration pénitentiaire, 45 dans les prisons qui dépendent de la direction Sud de l’administration pénitentiaire et 12 dans les prisons bruxelloises.

L’aile D-radex de la prison d’Ittre.
L’aile D-radex de la prison d’Ittre. © RTBF

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