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Politique

Pression maximale sur le gouvernement fédéral : c’est parti pour le conclave budgétaire

Les ministres du gouvernement fédéral se préparent à un long et difficile conclave budgétaire. Des rencontres bilatérales ont eu lieu samedi avant le début des travaux dimanche après-midi et la semaine prochaine. Mais une chose est sûre, la pression est maximale sur les épaules du gouvernement fédéral tant les signaux sont au rouge.

Les finances publiques belges sont dans le viseur de la Commission européenne, le FMI, l’OCDE, la Banque nationale, le Bureau du Plan et le Conseil central de l’Économie. À plusieurs reprises, ces institutions ont déjà alerté la Belgique sur l’état des finances.

Le fédéral sous pression

Le conclave budgétaire va s’ouvrir sur une note positive. Selon le comité d’experts du gouvernement fédéral, on constate une amélioration de 6 milliards des prévisions de déficit. Un ajustement permis grâce à la baisse significative des coûts de l’énergie. "C’est une très bonne nouvelle. Le tarif des prix de l’énergie est à la baisse et donc, pour l’État, les dépenses seront moins importantes. Par exemple, en ce qui concerne le tarif social. Le tarif social et le tarif social élargi vont coûter moins cher à l’État. Et cela va donc diminuer notre déficit", se réjouit Alexia Bertrand (Open Vld), secrétaire d’État en charge du Budget dans Jeudi en prime.

Le Premier ministre Alexander de Croo, le 15 mars 2022. Photo d'archive.
Ce week-end, le gouvernement fédéral entamera son ajustement budgétaire.

Cependant, les récents chiffres du Comité de monitoring donnent quelques sueurs froides au gouvernement fédéral. Selon leurs estimations, si rien ne change, le déficit structurel avoisinerait les 41 milliards d’euros en 2028. "La situation des finances publiques est compliquée, mais il faut distinguer la situation immédiate et le trajet. Le déficit qui était de 5.9% du PIB (Produit intérieur brut) est passé à 4.8%, c’’est une amélioration de 1.1%, c’est une bonne nouvelle. Mais il reste beaucoup de travail et ce travail concerne surtout les dépenses liées au vieillissement. On parle des pensions. Il va falloir réformer pour faire en sorte que le système soit soutenable à l’avenir", commente la secrétaire d’État en charge du Budget.

Alexia Bertrand (Openvld), la secrétaire d’État en charge du Budget
Alexia Bertrand (Openvld), la secrétaire d’État en charge du Budget © Tous droits réservés

Des finances publiques insoutenables

Dans une carte blanche signée par une cinquantaine d’économistes belges parue dans l’Echo, des voix s’élèvent pour tirer la sonnette d’alarme et insister auprès du gouvernement De Croo de l’importance cruciale de ce conclave budgétaire.

Le contrôle budgétaire offre une dernière chance au gouvernement de prendre les mesures nécessaires.

Avec un déficit cumulé à 5% du PIB, la Belgique figure parmi les plus mauvais élèves dans les pays occidentaux. Le plus inquiétant, selon ces économistes, c’est que la dette publique est destinée à poursuivre cette inexorable voie de l’augmentation.

Ce collectif d’experts souligne aussi que le vieillissement de la population fera peser une pression supplémentaire sur les dépenses publiques. Selon eux, d’ici à 2050, "les dépenses sociales publiques annuelles représenteront 3,5% du PIB, soit quelque 20 milliards en euros d’aujourd’hui, de plus qu’actuellement". Et il ne s’agirait là que de la version optimiste.

Urgence à moyen et long terme

"Aussi longtemps que les taux d’intérêt étaient faibles ou flirtant avec le 0%, avoir une dette importante n’était pas un souci. Avec des taux qui remontent, on prend conscience qu’il faut payer des charges d’intérêts. Et c’est la plus bête des dépenses. C’est autant d’argent qu’on n’investit pas dans les soins de santé par exemple", explique Etienne de Callatay, économiste en chef Orcadia Asset Managment.

L’économiste ajoute : "Aujourd’hui, nous redoutons légitimement que les générations futures, du fait du vieillissement de la population et plus encore du financement de la transition environnementale, vivront moins bien matériellement que ce que nous avons connu. Et donc leur transmettre en plus une dette est totalement illégitime."

Pour cet économiste, il est temps d’agir et il ne faut plus traîner davantage. "Ce que la Commission européenne nous rappelle, c’est qu’en termes de soutenabilité à court terme, il n’y a pas de problème pour la Belgique, mais à moyen et long terme, nous avons un double carton rouge, ce qui est pire que la Grèce. Il y a vraiment de quoi s’inquiéter. Et pour corriger le tir, c’est maintenant qu’il faut agir."

Vers un scénario à la grecque ?

L’état des finances belges est tel que certains craignent de voir la Belgique sombrer financièrement comme la Grèce en 2008. Pour Benoit Bayenet, président du Conseil central de l’économie, "La Belgique n’a pas un risque de paiement sur sa dette, mais le risque est qu’à un moment, les marchés pourraient craindre la solidité du modèle belge, d’autant plus si on entre dans une crise institutionnelle comme on l’a déjà connu il y a quelques années."

Benoît Bayenet poursuit : "Sans gouvernement et en affaires courantes, les marchés pourraient s’inquiéter de la solidité de l’économie belge. Et la conséquence, c’est qu’au lieu d’emprunter à 3%, on emprunte à 4, 5 ou 6% faisant encore monter la charge d’intérêts encore plus parce que les marchés auront des doutes sur nous. C’est autant d’argent que nous n’aurons pas pour mener des politiques publiques".

Austérité dure ou politique de responsabilité

Dès lors, comment faire pour redresser cette barre qui semble ? Il n’y a pas mille façons d’y parvenir.

"Ouvrir les vannes dans l’espoir de relancer l’économie et en récolter des bénéfices. Je n’y crois pas. Dans une petite économie très ouverte comme notre pays, c’est illusoire. Si nous donnons plus de pouvoir d’achat aux concitoyens, c’est peut-être sympathique, mais ils achèteront plus en produits venus de l’étranger. L’effet retour sur l’économie locale sera limité donc cela ne peut pas être une option", argumente Etienne de Callatay.

Pour lui, "C’est l’option de l’austérité qui s’impose qui viendrait soit d’une augmentation des impôts, soit d’une diminution des dépenses. Ce n’est pas à un économiste de dire ce qu’il faut ou ne pas faire, mais regardons ce qui se passe ailleurs. On constate que l’imposition est déjà très forte en Belgique et que les dépenses publiques sont aussi très importantes. C’est plutôt de ce côté-là qu’il faudra y regarder."

Pour Benoit Bayenet, président du Conseil central de l’économie, une cure d’assainissement n’est pas la bonne solution : "Une cure d’austérité dure n’est peut-être pas l’option la plus judicieuse car on n’est pas vraiment encore sorti de la crise. Je pense qu’il faut désormais une politique de responsabilité c’est-à-dire faire des arbitrages entre les bonnes et les mauvaises politiques publiques. Il va falloir passer à l’évaluation de celles-ci et faire des choix. On sait qu’on va devoir dépenser plus, investir plus dans un certain nombre de secteurs et il faut donc faire des choix stratégiques sur ce qui sera le plus porteur pour l’avenir du pays et de la population

À un an des prochaines élections fédérales, reste à voir quelle sera la position adoptée par l’équipage De Croo pour redresser la barre du paquebot Belgique et éviter l’iceberg droit devant.

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