L'opposant Gustavo Petro est arrivé largement en tête du premier tour dimanche de l'élection présidentielle en Colombie et a désormais de fortes chances de devenir le premier président de gauche de l'histoire récente du pays, après une déroute historique de la droite.
Il affrontera au second tour le 19 juin un candidat indépendant, le millionaire Rodolfo Hernandez. Le candidat conservateur Frederico Gutierrez est arrivé troisième, un résultat surprise qui marque une défaite inédite de la droite traditionnelle colombienne.
Favori des sondages durant toute la campagne, le sénateur Petro, un ex-guérillero converti à la social-démocratie, économiste et ancien maire de Bogota, a obtenu 40,32% des voix, selon les résultats officiels portant sur 99% des bulletins dépouillés.
De l'avis de tous les observateurs, M. Petro, 62 ans, a su exploiter la soif de changement manifesté par les Colombiens face aux inégalités et à la corruption, un besoin dont il a fait son emblème avec son slogan "pour la vie".
Les quatre années de mandat du président conservateur sortant Ivan Duque, qui ne pouvait se représenter, n'ont vu aucune réforme de fond. Elles ont été marquées par la pandémie, une forte récession, des manifestations antigouvernementales massives dans les villes et une aggravation de la violence des groupes armés dans les campagnes.
"Il n'y a que deux alternatives: laisser les choses telles qu'elles sont, (...) ce qui signifie plus de corruption, de violence, de faim. Ou changer la Colombie et la conduire vers la paix, la prospérité et la démocratie", a déclaré M. Petro dimanche après avoir voté à Bogota.
Changement de cap
Son accession à la magistrature suprême serait un séisme politique dans un pays où les conservateurs monopolisent le pouvoir depuis des décennies.
Comme le laissaient percevoir certains sondages en fin de campagne, le millionnaire Rodolfo Hernandez, 77 ans, arrive en deuxième position, avec 28,20% des voix.
M. Hernandez, ex-maire de la ville de Bucaramanga (nord) et homme d'affaires aux déclarations souvent outrancières ou excentriques, est surnommé par la presse locale le "Trump colombien". Il devance de près de quatre points le candidat conservateur Federico Gutierrez (23,87%).
Alors que M. Gutierrez a été considéré tout le long de la campagne comme le challenger de Petro, ces résultats surprises marquent la déroute historique de la vieille droite colombienne, à l'image de son mentor, l'ex-président Alvaro Uribe, aujourd'hui englué dans les démêlés judiciaires.
"Aujourd'hui, le pays a gagné parce qu'il ne veut pas continuer un jour de plus avec les mêmes personnes qui nous ont amenées à la situation douloureuse que nous connaissons", a commenté en soirée M. Hernandez depuis son fief de Bucaramanga.
La participation s'est élevée à 54,8% et le scrutin s'est déroulé normalement, selon les autorités. Une pléthore d'observateurs internationaux, notamment de l'Union européenne et de l'Organisation des Etats américains, ont assisté au scrutin, et près de 300.000 policiers et militaires avaient été déployés sur tout le territoire, en proie ç des violences croissantes des groupes armés ces derniers mois.