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"Première personne du singulier" : le nouveau livre d’Haruki Murakami

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Un nouveau livre d’Haruki Murakami, c’est toujours un petit événement dans l’actualité littéraire… Son dernière titre s’appelle "Première personne du singulier", c’est un recueil de nouvelles – grande spécialité de l’auteur japonais… Coup de coeur de Sébastien Ministru.

 

Pour ceux qui ne le connaissent pas : qui est Haruki Murakami ?

C’est tout simplement l’auteur japonais le plus connu dans le monde. Il est né à Kyoto. Il a 73 ans et est assis sur une œuvre monumentale qui réussit le mariage entre exigence littéraire et succès populaire. C’est peut-être d’ailleurs son succès commercial qui l’empêche de décrocher le prix Nobel de littérature. Chaque année, il est pressenti pour le prix Nobel de littérature, et à chaque année, il le loupe. Un jour, peut-être…

Au Japon, Haruki Murakami est une star et chacun de ses livres trône en tête de la liste des best-sellers… Partout ailleurs où il est traduit – une cinquantaine de pays, il a une fan-base énorme.

Des admirateurs qui vénèrent sa littérature et ses livres brillants comme "Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil", "Les amants du Spoutnik", "Kafka sur le rivage", la trilogie "1Q84" et "L’incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage", l’histoire absolument démente - et bouleversante – d’un jeune homme que ses amis renient, sans lui donner une seule explication - un affront qui le marque au cœur et le plonge dans une vie de solitude qui semble sans issue… C’est magnifique.

 

C’est magnifique en général Murakami mais il faut adhérer aux univers borderline qui poussent le réel à frotter avec les frontières du rêve…

Car c’est la marque de Murakami : raconter des histoires – lentes, vaporeuses, existentielles – où la réalité dérape légèrement vers des zones oniriques. Le ton est toujours détaché – comme si l’écriture de Murakami se regardait de loin, se regardait faire dans la manière de camper des histoires aux thèmes et aux lieux obsédants.

Murakami met souvent en scène ses passions : la musique, le jazz, la course à pied, le base-ball, les bars – et la littérature bien sur. Des motifs qu’on retrouve – encore – dans ce recueil de huit nouvelles – "Première personne du singulier"

 

Peut-on recommander ces nouvelles pour découvrir son univers?

 

C’est une bonne introduction et ça campe bien l’imaginaire de Murakami qui touche à l’étrange… Au temps qui passe. À l’état de nos souvenirs dans notre mémoire. D’autant qu’ici – les huit nouvelles de "Première personne du singulier" ont des accents autobiographiques qui tracent une sorte de portrait brumeux de l’auteur.

 

Il y a – par exemple, ce texte éblouissant – "Charlie Parker plays bossa-nova", l’histoire d’un jeune étudiant qui a écrit un article sur un disque de Charlie Parker qui n’existe pas – "Charlie Parker plays bossa-nova", un album où ce monument du jazz rencontre Antonio Carlos Jobim, maître de la bossa.

Un canular qu’il avait oublié et qui, des années plus tard, le rattrape. Un jour, dans un magasin de disques d’occasion à New York, il tombe sur un album – genre album pirate – qui s’appelle "Charlie Parker plays bossa-nova"…

Toujours à propos de musique et de souvenirs de jeunesse, la nouvelle "With The Beatles" - une odyssée dans la mémoire d’un homme qui se souvient d’un amour d’adolescence – le tout ponctué par les effets de la Beatlemania des années 60 et par le souvenir du frère de cette petite fiancée – frère atteint d’une maladie neurologique qui lui faisait perdre des souvenirs. Ce jeune homme, il le retrouve à l’âge adulte.

L’histoire aussi de ce jeune étudiant de 19 ans qui, un soir – rentre avec une fille qui le prévient … - tenez-vous bien, lorsqu’ils feront l’amour et qu’elle jouira, elle criera le nom d’un autre homme. Réaction du garçon: OK, pas de problème. L’histoire de ce jeune homme invité à un récital de piano par une fille… récital qui n’aura jamais lieu parce que là où il doit avoir lieu, il n’y a rien…

 

Et puis, la nouvelle qui donne son titre au recueil – "Première personne du singulier" - où un homme, un auteur s’amuse à essayer les costumes de sa garde-robes – alors qu’en général, il traîne en sweat et en jogging… En costume cravate, il se retrouve dans un bar – au comptoir, il voit son reflet dans le miroir des étagères des bouteilles d’alcool et là – petit pas de côté du réel, et magnifique questionnement existentiel – en mode "mais qu’est-ce que je fous là ?", angoisse attisée par une inconnue – sa voisine de tabouret qui lui demande si ça lui plait de faire ça…

 

Avec Murakami, le sol se dérobe, tout est toujours un peu instable. Et c’est souvent des histoires d’hommes seuls qui se regardent en train de se regarder…

 

 

       

Belfond publie aussi un court texte qui s’appelle "Abandonner un chat" - un texte de souvenirs de son père, un livre illustré par Emiliano Ponzi – et les dessins sont très très beaux

 

"Première personne du singulier" d’Haruki Murakami chez Belfond       

Haruki Murakami : "Première Personne du singulier" et "Abandonner un chat. Souvenirs de mon père"

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