Tous sont en tout cas ravis de voir leur champion. De le voir, et forcément de l’entendre attaquer férocement tout qui a l’audace de ne pas le soutenir ou partager son point de vue. Et pour Donald Trump, se prétendre l’homme le plus innocent de l’histoire des États-Unis n’est pas incompatible avec l’écoute, en ouverture de son meeting, de l’hymne américain chanté par les émeutiers/prisonniers de l’insurrection du Capitole, le 6 janvier 2021.
Ne pas changer une formule qui a déjà gagné
"On sait qu’il est une 'bête politique' qui est capable de réunir des auditoires charmés d’avance de l’écouter et l’entendre se lancer dans ce type de diatribe", analyse Serge Jaumain, professeur d’histoire contemporaine à l’ULB, co-directeur d’AmericaS, le centre interdisciplinaire d’étude des Amériques et grand spécialiste des Etats-Unis. "Il n’y a pas de raison pour lui de changer une formule qui a déjà gagné. Et quoi que l’on pense de ce qu’il dit, il reste un showman assez impressionnant et l’on peut penser qu’il y a une série de personnes qui viennent pour l’écouter et le voir comme si c’était une sorte de spectacle".
Samedi soir, Donald Trump a notamment affirmé que les États-Unis sont en train de devenir la Russie stalinienne, qu’il était temps d’expulser les communistes et les marxistes du pouvoir, ou encore que le système est truqué, comme l’a été selon lui la dernière élection présidentielle.
Mais pas un mot sur un éventuel programme, ce qui ne surprend pas Serge Jaumain : "Il faut rappeler que lors de la dernière élection présidentielle, il n’avait quasi pas de programme. Il est resté sur la lancée de ce qu’il avait fait en 2016, on ne peut certainement pas dire qu’il avait un programme extrêmement articulé et pour lui, finalement, le programme n’est pas un élément essentiel. Dans ses campagnes, c’est surtout l’attaque qui compte, et le fait de sortir un certain nombre de slogans qui font mouche". Et c’est incontestablement l’un des talents de Donald Trump vis-à-vis de ses partisans.
Le Texas pour démarrer sa campagne, un choix réfléchi
C’est donc à Waco que Donald Trump a choisi de débuter sa campagne. Un choix qui pourrait étonner, étant donné ce qui s’y est passé il y a trente ans, mais l’entourage de l’ex-président a affirmé que ce choix s’expliquait tout simplement par des raisons géographiques dans la mesure où cela se trouve à proximité de plusieurs grandes villes.
Serge Jaumain estime que cet argument peut être entendu : "C’est évidemment difficile à dire mais à ma connaissance, il n’y a pas fait référence de manière explicite. Trente ans après cette effroyable boucherie, il aurait pu l’évoquer, parce que c’était à l’époque Bill Clinton qui était président, mais ce n'est pas un angle d’attaque qu’il a choisi alors que si c’était vraiment cet élément-là qui l’avait déterminé, il l’aurait utilisé. C’est tout de même un communicateur assez impressionnant et à ce point de vue-là, il sait ce qu’il fait. Je pense que l’élément majeur, c’était vraiment d’être au Texas dans une ville très conservatrice et qui est effectivement assez bien desservie, un peu au sud de Dallas et pas trop éloignée, d’Austin ou San Antonio, afin de pouvoir attirer un public originaire de ces endroits-là. Et le Texas, de façon plus générale, est un état très conservateur, avec une série de législations que ce soit sur l’avortement, le retrait des bibliothèques des livres qui parlent de l’homosexualité et c’est aussi un état où les suprémacistes blancs sont parmi les plus forts, il y a donc une base certaine. Et il a poussé la prudence jusqu’à ne pas faire un meeting à Dallas ou Austin, qui sont deux grandes métropoles assez conservatrices mais où il y a une montée des démocrates".
Même inculpé, Donald Trump pourra se présenter
Des démocrates que l’ex-président tente de diaboliser, sans épargner la justice dont il sait qu’elle risque de lui attirer de gros ennuis puisque plusieurs dossiers sont en cours, de l’histoire d’un paiement à une actrice porno pour acheter son silence aux pressions électorales pour faire changer le résultat de l’élection de 2020 en Géorgie en passant par les archives classifiées de la Maison Blanche qu’il détenait dans sa résidence de Mar-a-Lago en Floride.
"Même s’il est inculpé" explique Serge Jaumain, "rien ne lui interdit de se présenter. Ce serait une première, mais avec Donald Trump, on en a déjà connu beaucoup. Je pense qu’à ses yeux, cela ne pose pas beaucoup de problèmes. S’il est inculpé, cela va avoir pour effet de mobiliser un peu plus ses troupes, qui vont ressentir une injustice d’autant plus importante. On sait que rien ne peut arrêter les militants de base, les trumpistes convaincus. Leur soutien est d’une solidité à toute épreuve. On pourrait donc l’inculper de n’importe quoi, sa base de supporters va lui rester fidèle. En revanche, s’il est arrêté, ce sera alors beaucoup plus difficile d’être présent médiatiquement dans la campagne et l’on sait que ce qui est important pour lui, ce sont les médias. En cas d’arrestation, il ne pourra pas faire une campagne aussi visible que ce qu’il souhaiterait."
Donald Trump dispose-t-il encore d’assez de soutiens au sein des républicains ?
À plus de seize mois de la prochaine élection présidentielle, il est encore trop tôt pour avoir une vue précise des différents scénarios possibles, d’autant que tous les candidats ne se sont pas encore déclarés : "Tout le monde attend Ron DeSantis, et probablement Mike Pence," explique Serge Jaumain.
"Je pense que Ron DeSantis évalue encore ses chances et il n’a pas intérêt à se déclarer trop rapidement. Une série d’observateurs notent que si il y a beaucoup de candidats, Donald Trump pourrait sortir du lot aux primaires parce que les différents groupes seront fortement divisés et les sondages montrent pour le moment que DeSantis n’est pas vraiment sur une pente ascendante. Il pourrait gagner les primaires contre Trump mais ce n’est pas sûr. Je remarque qu’il vient de sortir un livre et généralement, quand un homme politique publie un livre, ce n’est pas pour le plaisir d’écrire mais parce qu’il y a une ambition. Il y a ensuite une tournée de promotion pendant laquelle il essaie de faire de la Floride une sorte de modèle et de laboratoire pour son projet aux Etats-Unis, mais il n’a pas le charisme de Trump", détaille le professeur.