“Le fait que cela génère une émotion forte soit dans une communauté particulière soit dans la société de manière générale, c’est l’un des critères”, explique Sébastien Georis. On peut penser ici à l’affaire Dutroux qui a suscité une très forte émotion dans la population et qui a donné lieu à une très forte mobilisation. En ce qui concerne l’affaire Dean, selon Fabrice Gérard, journaliste dans le domaine judiciaire depuis 6 ans, “lorsqu’on s’en prend à une personne sans défense comme un enfant, c’est ce qui suscite le plus d’émotion dans un fait divers”.
C’est un critère qui n’est d’ailleurs pas toujours simple à évaluer. “Parfois, journalistiquement, on a commis des erreurs en démarrant trop tard sur certains dossiers parce qu’on n’avait pas bien mesuré l’ampleur énorme que certains faits divers allaient avoir auprès de la population”, explique Bruno Clément, rédacteur en chef du JT. “Par exemple, l’affaire Jo Van Holsbeek, ce jeune garçon qui s’est fait poignarder à la gare centrale pour son walkman; cela a amené tout une émotion autour du fait qu’un jeune homme se fasse poignarder dans un lieu public. Cela a engendré des manifestations au sein de la population”.
Pour Fabrice Gérard, journaliste spécialisé dans le judiciaire, c’est l’un des facteurs primordiaux. Un facteur qu’on peut d’ailleurs corréler à un autre : celui de la résonance des faits par rapport à l’histoire judiciaire belge.
Pour Sébastien Georis, responsable éditorial de la thématique “police-justice, “Il y a des faits dont on sait que l’on va parler parce qu’en Belgique on a une histoire particulière. Suite à l’affaire Dutroux, il y a aujourd’hui encore, des choses qui continuent de résonner vis à vis de ce type de faits”.
C’est l’un des critères sur lequel tous les collègues interrogés mettent l’accent. Cela va bien entendu dépendre du fait lui-même et de ce que va pouvoir révéler l’enquête.
L’affaire récente de la mort du petit Dean au Pays-Bas, pose des questions sur “l’accompagnement des détenus pour permettre une réinsertion qui permette de limiter le risque de récidive”, explique ainsi Sébastien Georis.
Pour Bruno Clément, " ça peut aller de toutes sortes de choses. Prenons l’exemple d’un accident mortel d'un jeune sur une trottinette électrique. Si c’est la première fois que survient un accident mortel sur un nouveau type de moyen de locomotion, cela peut permettre de parler de la sécurité routière, de lancer le débat autour du port du casque”.
“Lorsque l’on parle de crime raciste, homophobe, de féminicide, etc. Cela dit quelque chose de certains phénomènes qui ont cours dans la société”, selon Sébastien Georis.
“Ca, ce sont des choix éditoriaux", précise Bruno Clément. " La plupart des rédactions, après l’affaire Dutroux, ont beaucoup plus suivi les disparitions d’enfants”.
Dans cette optique, la RTBF a d’ailleurs posé un choix en interne en ce qui concerne les féminicides. On comprend ici comme féminicide “le meurtre d’une femme parce qu’elle est une femme et le plus souvent par son compagnon”, détaille Bruno Clément. “C’est important de mettre le focus sur ce type d’évènement pour quelque part éclairer le public et tenter de le conscientiser”.
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Parfois, il arrive qu’un “simple fait divers” se révèle être bien plus que cela. Parfois, ce type de dossier permet de révéler des dysfonctionnements soit dans le suivi d’une enquête soit dans la procédure judiciaire qui y est liée. Prenons le cas de Julie Van Espen, cette étudiante de 23 ans retrouvée morte après une tentative de viol près d’Anvers. Quelques jours après l’arrestation de Steve Bakelmans, celui qui est aujourd’hui considéré comme étant l’assassin de la jeune fille, on apprend que celui-ci n’aurait pas dû être libre au moment des faits.
En effet, il était en attente d’un procès en appel après avoir été condamné en première instance pour viol. Seulement, le procès en appel s’était fait attendre pendant près de deux ans, durée durant laquelle Steve Bakelmans a violé et tué Julie Van Espen. Dans ce cas-ci, le Conseil supérieur de la justice a rendu un rapport faisant état de plusieurs dysfonctionnements dans le chef de la justice anversoise.
Voilà donc une affaire qui a révélé des dysfonctionnements dans le système judiciaire. Le problème c’est que cela, il est impossible de le savoir au moment où on apprend la disparition de la jeune fille. “C’est une vraie difficulté”, concède Sébastien Georis. “Dans ce cas-là, on fait le travail qu’on fait tout le temps”, explique Fabrice Gérard : “On va sur le terrain, on essaye de rencontrer les proches, d’interviewer le parquet. Parfois, on a aussi la possibilité d’avoir des informateurs dans les commissariats de police qui peuvent nous aider pour vérifier certaines informations”.
Pour Sébastien Georis, “c’est plutôt un critère qui va venir s’ajouter après dans le suivi que l’on va faire du dossier”.