Pourquoi les élections au Burkina Faso sont-elles importantes ?

Pourquoi les élections au Burkina Faso sont-elles importantes?

© ISSOUF SANOGO - AFP

Par W. Fayoumi, avec A. Goncalves

Les Bukinabés votent ce dimanche, pour élire leur président et leurs députés. Ils sont 6,5 millions à être appelés aux urnes. Et ces élections ont lieu dans un contexte politique et sécuritaire très tendu.

En effet, le risque d’attaques djihadistes est toujours à son maximum dans ce petit pays, qui fait partie de ce qu’on appelle le "triangle djihadiste", aux frontières du Mali, du Niger et du Burkina. Elles devraient donc intéresser bien au-delà des frontières du Burkina, avec des enjeux géopolitiques et de développement économique qui touchent toute la région, et même plus loin ; des enjeux qui concernent la gestion sécuritaire du Sahel, où sont déployées les forces françaises, et où la Belgique intervient également.

"Risques de fraudes"

Roch Marc Christian Kaboré, élu en 2015 brigue un second mandat, et fait face à 12 adversaires, dont Zéphirin Diabré, chef de file de l’opposition, et Eddie Komboïgo, candidat du parti de l’ex-président Blaise Compaoré, dont le régime tombé il y a six ans fait l’objet d’une nostalgie croissante.

Alors que l’opposition redoute des "fraudes massives" du camp du président Roch Kaboré, favori pour sa réélection, un grand nombre d’électeurs, un cinquième selon les estimations, n’ont pas pu exprimer leurs votes. La commission électorale a en effet reconnu, durant la journée, qu’un "certain nombre de bureaux de vote" de l’élection présidentielle ont dû être fermés. "Il y a un certain nombre de bureaux de vote qui avaient ouvert dans l’Est et dans d’autres régions qui ont dû fermer en raison des menaces, a déclaré le président de la commission, Newton Ahmed Barry. Des individus ont interdit des populations de prendre part au vote".

"Tout le monde ne pourra pas voter," explique Eric Kinda, porte-parole du mouvement du "Balai citoyen", issu de la société civile, qui regroupe syndicalistes, journalistes, juristes, professeurs, étudiants, et autres artistes est toujours très présent depuis 2014 et la campagne pour pousser au départ de l’ancien président Blaise Compaoré, au pouvoir depuis 27 ans. Ce mouvement réclame une bonne gouvernance politique et économique. "Ce sont des zones non sécurisées, des zones où il n’a pas été possible de délivrer les cartes d’électeurs, car il avait été impossible d’aller à la rencontre des populations. Et ce problème sécuritaire n’est toujours pas résolu. Tenir des élections là-bas, c’est mettre la vie des opérateurs du scrutin en danger, c’est mettre la vie des électeurs en danger, parce que les groupes djihadistes sont à l’affût".

Risques d’attaques djihadistes

Le risque d’attaques djihadistes avait été pointé par de nombreux observateurs. Déjà avant le début du scrutin, les autorités avaient annoncé que plusieurs régions seraient privées de vote, notamment certaines zones du nord et de l’est du pays, là où la présence de l’Etat est insuffisante, compensées pour le malheur des populations par les incursions incessantes des djihadistes, entraînant par ailleurs des violences intracommunautaires. Pays sahélien très pauvre, le Burkina vit ses heures les plus sombres depuis l’indépendance de 1960, s’enfonçant en effet depuis cinq ans dans une spirale de violences.

Les attaques des groupes djihadistes, dont certains sont affiliés à Al-Qaïda, d’autres à l’organisation Etat islamique, et la répression violente des forces de sécurité ont fait au moins 1200 morts, majoritairement des civils, et chassé de leurs foyers un million de personnes.

"Ces attaques s’étaient d’abord focalisées dans le nord du Burkina Faso, puis elles se sont étendues dans l’Est puis dans le centre, explique Claire Kupper, chargée de recherche au Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP). Les attaques se portent essentiellement contre les forces armées et tout ce qui représente l’Etat, y compris les lieux de cultes. Elles ont aussi eu des incidences entre les communautés, par exemple entre les agriculteurs et les éleveurs. Et elles ciblent aussi les écoles, les professeurs, donc finalement tout le monde est touché, en juillet on avait cité le nombre de 2600 écoles fermées", sans compter donc le million de personnes déplacées à l’intérieur des frontières, vivant dans l’insécurité et le manque de nourriture.

Gabegie et absence d’Etat : des raisons de la violence

Le mauvais bilan économique du président Roch Kaboré se trouve aussi au centre de ce scrutin, un président qui a fait sa campagne en mettant en avant ses réalisations dans le domaine des infrastructures routières dans la capitale "Il y a d’autres priorités, telles la santé ou l’éducation, ou le logement et l’accès à l’eau, réagit Eric Kinda. C’est un problème majeur dans notre pays. Vous avez des zones où les populations n’ont pas accès à l’eau potable… Ce sont des besoins de base. Quand on parle de la gouvernance économique au Burkina Faso, ce sont les détournements de deniers publics, les malversations, et la gabegie se poursuit, ces problèmes demeurent."

L’absence de services publics dans les zones éloignées est d’ailleurs une des raisons de l’existence des violences, et de la présence massive des djihadistes qui profitent de la situation. "Le fait que les élections ne puissent pas avoir lieu dans ces zones-là accentue l’abandon des populations, explique Claire Kupper. Il y a donc vraiment une nécessité de renforcer l’accès public aux populations. Il y a beaucoup d’efforts qui doivent être faits au niveau de l’agriculture, de l’accès aux ressources."

Et l’un des plus grands challenges du pays est cette réconciliation entre communautés, que les groupes armés contribuent à diviser.

Le décompte commence après le scrutin, dans un bureau de Ouagadougou:

Burkina Faso: le décompte commence après le scrutin, dans un bureau de Ouagadougou (22/11)

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