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Pourquoi la Corée du Nord multiplie-t-elle les tirs de missiles en ce début d’année ?

Pourquoi la Corée du Nord multiplie-t-elle les tirs de missiles en ce début d'année ?

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Par Guillaume Woelfle sur base d'une chronique de Sophie Léonard

La Corée du Nord a confirmé avoir effectué des tirs de missiles tactiques le week-end dernier. Il s’agit du quatrième lancement en moins de deux semaines pour la Corée du Nord. Il s’agissait d’abord d’un missile balistique intercontinental d’une portée de 5500 km et qui peut contenir des ogives nucléaires tirées samedi puis de missiles balistiques à courte portée tirés lundi en direction de la mer du Japon.

Ce n’est pas vraiment une surprise puisqu’en début de l’année, Kim Jong Un a annoncé renforcer massivement sa force militaire et augmenter de manière exponentielle son arsenal nucléaire. Et depuis 2019 plus largement, on constate une multiplication d’essais avec toutes sortes de missiles. La nouveauté réside dans la façon dont la Corée du Nord présente ces essais.

"Ce qui est clair, c’est que la Corée du Nord ne cherche pas à démontrer des capacités en termes techniques, mais des capacités opérationnelles, analyse Antoine Bonda, chargé de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique. Ce n’est pas le missile qui est testé mais l’opérationnel autour du lancement du missile. Pour rendre sa dissuasion nucléaire crédible, il faut la rendre crédible sur le plan technique et opérationnel, ainsi qu’avoir la doctrine d’emploi adaptée pour le nucléaire et ça, elle l’a depuis septembre 2022."

Ainsi, la Corée du Nord tente de démontrer que tout est en place pour envoyer un missile. Le test concernant le missile intercontinental était pour la première fois opérationnel et non technique. C’était donc un exercice en condition réelle.

Le message adressé à la communauté internationale

La Corée du Nord veut montrer que malgré les sanctions de la communauté internationale, le pays tient bon et continue le développement de ses capacités balistiques. Un message adressé aux Etats-Unis et à la Corée du Sud, deux alliés qui s’expriment régulièrement et qui ont encore fait savoir début de l’année qu’ils préparaient des réponses coordonnées à une série de scénarios y compris une utilisation de l’arme nucléaire de la part de la Corée du Nord.

Cette démonstration de force de Pyonyang servirait également au régime à mobiliser sa population dans un contexte de pénuries alimentaires. Les armes nucléaires balistiques ont une dimension militaire de dissuasion mais aussi politique. Ces armes font partie de l’identité du régime. Elles sont utilisées pour démontrer au citoyen nord-coréen que malgré les difficultés et malgré les sanctions, le pays est capable d’être à la pointe. Cela participe à un récit techno-nationaliste, dans lequel il démontre que le régime est fort puisque le régime réussit à développer des armes modernes comme le font d’autres grandes puissances.

This picture taken on February 18, 2023 and released from North Korea’s official Korean Central News Agency (KCNA) on February 19, 2023 shows test-firing of the intercontinental ballistic missile (ICBM) at Pyongyang International Airport.
This picture taken on February 18, 2023 and released from North Korea’s official Korean Central News Agency (KCNA) on February 19, 2023 shows test-firing of the intercontinental ballistic missile (ICBM) at Pyongyang International Airport. © Tous droits réservés

Faut-il craindre une escalade ?

Le risque d’escalade est finalement permanent parce que la Corée du Nord a développé ces 4-5 dernières années des capacités qui sont à même de changer le rapport de force dans la péninsule. Ainsi, ses capacités à courte portée pour réaliser des frappes précises et sont capables de pénétrer la défense antimissiles sud-coréenne.

En plus de ses capacités, la Corée du Nord bénéficie aussi d’un contexte international qui lui donne des marges de manœuvre supplémentaires. Antoine Bondaz de la Fondation pour la recherche stratégique les résume en trois mots : banalisation, distraction et division.

"On constate premièrement une banalisation des essais balistiques nord-coréens. Il y en a eu tellement ces dernières années, des dizaines chaque année, que certains n’ont même plus été dénoncés par la communauté internationale. On perçoit également que la couverture médiatique après un essai à porte intercontinentale est plus faible qu’en 2017 lorsqu’elle a testé ce premier missile. Troisièmement, les Occidentaux ont pour l’instant le regard détourné vers l’Ukraine et la Russie, et dans une moindre mesure vers la Chine et Taïwan. La situation sur la péninsule coréenne n’arrive qu’en troisième plan. Enfin, on constate une division au sein même du Conseil de sécurité de l’ONU, puisqu’en mai 2022, pour la première fois, la Chine et la Russie ont mis leur veto à un projet de résolution condamnant et sanctionnant le programme balistique européen."

Cette division au sein du Conseil de sécurité de l’ONU est illustrée encore dernièrement par la demande du Japon ce lundi d’organiser une réunion d’urgence, une demande restée sans réponse. Et de fait, il ne faut plus compter au sein de ce Conseil de sécurité sur des votes positifs de la Russie ou de la Chine sur cette question.

Et si l’essai devenait nucléaire ? Il est probable que les deux pays mettent leur veto sur un projet de résolution condamnant et sanctionnant un tel essai. Donc on le voit il y a une vraie inquiétude internationale dans l’escalade des menaces de la Corée du Nord.

Peut-on parler de soutien chinois ?

La Chine et la Corée du Nord sont alliées depuis 1961 et la Chine fournit à la Corée du Nord les capacités pour que le pays ne s’effondre pas, en livrant par exemple du pétrole. Et tant que la Chine ne fait pas pression, la Corée du Nord ne changera pas. Dans ce cadre, les deux pays sont alliés et la Chine n’a pas intérêt à retourner sa veste puisque la Corée du Nord est un allié stratégique dans la région notamment dans son opposition avec les Etats-Unis, et qu’une pression trop insistante pourrait faire basculer le régime nord-coréen, ce qui ouvrirait une période d’instabilité en périphérie de la Chine.

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