Pour qui le brassard d’Eden ? Wilmots, Albert, Waseige et Streker ont des avis bien différents

Pour Marc Wilmots, qui était indiscutablement à la fois un leader technique et un meneur d’hommes (une "grande gueule" diront certains), ce serait utile que le futur "Capi" réunisse ces deux qualités. "Etre un leader technique comme Eden l’a été ne suffira pas vu la situation. Le dernier grand Capitaine était Vincent Kompany, qui avait ces deux qualités. Mais attention, à sa meilleure époque, quand Eden était un des rares à demander le ballon et prendre ses responsabilités de chef d’orchestre, il répondait parfaitement à la mission".

Pour Philippe Albert, cette désignation est déjà une première décision difficile et capitale pour le nouveau sélectionneur. "Depuis l’échec en Coupe du Monde, le départ de Roberto Martinez, le retrait d’Eden (plus Toby Alderweireld maintenant) et la situation difficile de plusieurs cadres en club (Axel Witsel, Thomas Meunier, Romelu Lukaku, Youri Tielemans,…), le rôle du Capitaine sera plus important qu’à l’époque où tout allait bien. Il faudra parfois remonter le moral des garçons, guider les jeunes, gérer les éventuelles frictions dues aux frustrations. Pas évident".

Pour Fred Waseige, le meilleur candidat est "celui qui à la fois sera terriblement fier de prendre cette responsabilité et qui porte en lui cette générosité, ce sens du collectif qui le destine à cette fonction".

Wilmots insiste : "Pas question de miser sur l’avenir en choisissant un jeune prometteur, même déjà considéré comme un leader, puisque vous me parlez d’Amadou Onana. Il faut un palmarès, une crédibilité, de l’expérience, une autorité naturelle. On joue les qualifications en Suède dans quelques jours. Rien n’empêche, dans 2-3 ans, de donner le brassard à un joueur qui incarne la relève".

Stephan Streker attire notre attention : "on peut avoir notre avis, mais ce qu’on ne sait pas c’est qui est candidat, or c’est fondamental d’avoir la motivation pour la fonction".

La carrière de l’actuel Capitaine du Sporting d’Anderlecht renseigne, entre autres, 8 saisons en Premier League (Tottenham) et 152 convocations internationales, dont 138 titularisations.

"Je vote Vertonghen, lance Marc Wilmots. Avec son CV, son palmarès, la forme qu’il retrouve à Anderlecht, et sa vision du jeu il est le candidat idéal. Il aura du crédit auprès des jeunes, aussi parce qu’il est un exemple au niveau de son comportement, de sa mentalité, et des relations qu’il a avec tout le monde".

Philippe Albert est tout à fait d’accord. "Il est un de mes deux favoris… à condition qu’il continue ? J’espère que le retrait de Toby Alderweireld ne changera pas sa décision de continuer. C’est un défenseur, central de surcroît, donc il a le jeu devant lui, c’est un atout important pour moi. Et je le crois capable de taper son poing sur la table à la mi-temps, ce qui sera probablement important dorénavant".

Fred Waseige n’est pas convaincu : "Jan aurait la légitimité, l’implication et les qualités nécessaires, mais avec toutes les critiques subies depuis plusieurs mois, et vu son âge (36 ans bientôt), je ne suis pas sûr qu’il ait le crédit que d’autres auraient, notamment auprès des jeunes".

"Mes deux choix sont Vertonghen et Courtois. Déjà, c’est essentiel d’être titulaire chez les Diables, et ils le seront tous deux s’ils sont repris par Tedesco. Aussi, avoir le jeu devant soi est important. Thibaut a beaucoup d’autorité dans le groupe, de par son extraordinaire CV mais aussi sa personnalité. Et pousser une "gueulante", il en est assurément capable. Enfin, pour lui comme pour Jan, porter le brassard n’affecterait en rien ses performances, cela ne le déstabiliserait pas".

Wilmots n’est pas chaud : " C’est un gardien. Je ne suis pas favorable à ça. Les gardiens, même les meilleurs comme Thibaut, sont dans un monde à part et trop loin du cœur du jeu. On a déjà vu des gardiens capitaines, par ex Gigi Buffon, mais ils étaient aussi des meneurs d’hommes exceptionnels, incontournables".

Waseige ajoute : "Pour moi il n’y a aucun problème à être tout derrière ou tout devant, et le Madrilène conviendrait, mais attention : il arrive à Thibaut de sortir certaines déclarations qui piquent, et ça peut être à l’encontre de l’entraîneur".

Pour Streker, Courtois est aussi le profil idéal. "C’est quelqu’un qui a de la personnalité, et des avis, et il ose les exprimer à des moments ou les autres n’osent pas. Ce n’est pas ce qu’on appelle une "grande gueule" mais quand il parle il est écouté. A voir si le fait de ne pas pouvoir être proche de l’arbitre est un handicap pour défendre les intérêts de l’équipe ?"

Pour Fred, Romelu Lukaku est la meilleure solution : "D’abord parce que je crois qu’il en crève d’envie. Ça le rendrait terriblement fier. Et donc plus fort. L’Equipe nationale, il la kiffe, il a cette générosité et cette passion qui rayonneraient avec le brassard. Avec sa carrière de buteur et ses états de service chez les Diables, son autorité est énorme. Et puis son physique : je suis sûr que certains joueurs aimeraient qu’il les prenne dans ses bras, les félicite, les protège, les représente. Le fait qu’il soit en pointe, comme Courtois dans l’autre sens, n’est pas un handicap pour moi. Enfin, et c’est important, c’est un cadre de l’ancienne et glorieuse génération, tout en représentant l’avenir de notre sélection".

"Pas d’accord, répond Albert. Je pense que Big Rom a besoin de ne se concentrer que sur son jeu et ses buts. J’aurais peur qu’il ne prenne cette responsabilité trop à cœur et que cela affecte ses prestations individuelles. Et pour moi le Capitaine doit avoir le jeu devant lui, pas dans son dos".

Stephan est le seul à pousser le Maestro de City, mais il explique : "Dans le jeu, il est le centre de tout, c’est notre métronome. Le brassard est une manière de souligner cela. Par ailleurs, vu son palmarès et son statut, son autorité est évidente".

"Non !". C’est le Soulier d’Or 1992 qui parle. "Le Capitaine doit être exemplaire au niveau de sa mentalité et de son comportement. Les sautes d’humeur de KDB, comme celles au Qatar, feraient encore plus de tort à l’équipe s’il portait le brassard. Et ce trait de caractère ne date pas d’hier chez lui ? Il est comme ça depuis tout jeune".

"Pourtant il est régulièrement Capitaine à City" réplique le "Taureau de Dongelberg". "Mais c’est vrai que son altercation avec Toby sous les yeux de Martinez devant les caméras du monde entier lors du match contre le Canada ne plaide pas en sa faveur. Pousser une gueulante, taper son poing sur la table, monter au créneau… Ce n’est profitable au groupe que si l’intention est constructive".

Streker : "Moi je fais le pari que la fonction de Capitaine l’obligera (ou l’aidera) à canaliser ses émotions, à en faire quelque chose de constructif pour le groupe".

Waseige conclut : "Kevin se fout du brassard, et il est beaucoup trop authentique pour masquer ou orienter ses émotions négatives. Ses humeurs intérieures se voient à 1000 km de distance. Ceci dit, il est (et restera j’espère) notre leader technique, et c’est ça le plus important pour notre équipe nationale".

Lukaku, Vertonghen, De Bruyne, Courtois ou un autre, le choix de Domenico Tedesco sera ardu. Mais pas anodin. Il lui faudra prendre beaucoup de renseignements sur les uns et les autres, puis les sonder, avant de faire son choix. On ne peut s’empêcher de penser que dans cet exercice, Thomas Vermaelen aurait pu être un précieux conseiller s''il avait été intégré au nouveau staff.