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Pour les jobs étudiants, le nombre d’heures autorisées sera augmenté : bonne ou mauvaise nouvelle ?

Servir dans un café, un job souvent assuré par des students

© BELGA/VAN ASSCHE

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Par Eric Boever avec Laurent Van De Berg

Parmi les mesures annoncées par le gouvernement lors de la présentation de son budget 2023-2024, il en est une qui intéresse les étudiants et étudiantes qui ont un job, c’est l’augmentation du nombre maximum d’heures autorisées. Au lieu de 475 heures, ils pourront prester 600 heures par année calendaire sans que cela implique le versement de cotisations sociales. A priori, cela devrait satisfaire tant les employeurs à la recherche de main-d’œuvre flexible et bon marché que les students qui voient ainsi leur capacité de gagner de l’argent étendue. Mais si certains applaudissent la mesure, d’autres la critiquent comme les organisations de jeunesse. Parole aux "pour" et aux "contre".

« Tout le monde est gagnant »

Sarah a 19 ans, elle est étudiante et elle jobe tout le mois d’août et un jour par semaine dans un restaurant italien de Bruxelles : "c’est parfois compliqué de concilier un job, les études et les copines mais ça me permet d’être relativement indépendante financièrement et en tout cas je peux me faire plaisir sans dépendre de mes parents."

Pour elle, la décision du gouvernement fédéral d’augmenter à 600 le nombre d’heures autorisées est une bonne nouvelle : "je ne pense pas que j’atteindrai moi-même cette limite mais je sais que c’est important pour ceux qui doivent absolument gagner de l’argent pour financer leurs études car le quota de 475 heures était parfois trop court."

Bilitis, la patronne du restaurant, confirme : "c’est déjà arrivé que des jobistes doivent arrêter parce qu’ils atteignent les 475 heures alors qu’on a besoin d’eux et qu’ils sont formés. C’est dur aussi pour eux car ils ont besoin de ces revenus financiers leur payer leur loyer, leurs études, leur nourriture et aujourd’hui leur facture énergétique. Donc, l’élargissement à 600 heures est une bonne chose, ça va nous permettre de faire appel à des extras sans devoir constamment surveiller le compteur horaire."

« Une fausse bonne idée »

La proposition gouvernementale paraît donc attrayante mais pour plusieurs associations de jeunes, elle représente surtout une "fausse bonne idée". C’est le cas de la FEF, la fédération des étudiants francophones dont la présidente Emila Hoxhaj fait la grimace : "on a l’impression que le gouvernement nous dit : OK c’est la crise, c’est la galère, vous n’avez qu’à jober davantage ! Mais ce n’est pas notre mission première de jober. Quand on jobe, on n’étudie pas et donc on a moins de chance de réussir. Ce qu’il faut, ce n’est pas augmenter le travail étudiant mais baisser le coût des études. Une année représente entre 8000 et 12.000 euros, c’est énorme. Ça explique pourquoi 1 étudiant sur 4 est obligé de bosser pour boucler son budget. Mais nous pousser à jober davantage est une fausse solution. En plus, ça augmente les inégalités entre ceux qui ne doivent pas bosser et ceux qui sont obligés de le faire mais qui auront par conséquent un taux de réussite moins élevé."

" Une mesure sur le dos des étudiants et au profit du patronat"

La FEF n’est pas la seule à critiquer l’initiative du gouvernement. Les jeunes CSC et FGTB la dénoncent aussi. Chez les Jeunes CSC, organisation qui regroupe des militants de moins de 35 ans, on plaide plutôt pour la revalorisation du salaire des jobistes afin de leur permettre de se constituer des droits pour le reste de leur carrière et d’accéder à la sécurité sociale. "Le premier travail d’un étudiant, c’est d’étudier", rappelle le responsable national Nel Van Slijpe. "Pousser l’étudiant à travailler pour financer le coût élevé des études est une mesure qui renforce les inégalités et crée un cercle vicieux de l’échec et de l’abandon pour de nombreux jeunes."

Les Jeunes CSC soulignent que les étudiants ont d’abord besoin de solutions structurelles pour sortir de la précarité, comme la réduction du coût des études et des prix de l’énergie, ainsi que d’une revalorisation du travail. "Les seuls gagnants de cette mesure seront les employeurs qui pourront profiter encore plus d’une main-d’œuvre étudiante bon marché et flexible", déplorent-ils.

Les Jeunes FGTB, eux, dénoncent un accord fédéral "sur le dos des étudiants et au profit du patronat". Ils considèrent également que la mesure ne lutte pas contre la précarité étudiante mais met les jobistes en compétition avec les travailleurs et creuse les inégalités sociales. "Ces jobs étudiants sont non seulement une catastrophe pour la réussite dans l’enseignement supérieur mais ils contribuent par ailleurs à maintenir un certain élitisme dans les universités et les hautes écoles, où l’impact des inégalités sociales est fort".

L’organisation milite notamment pour que le cadre législatif des jobs étudiants soit similaire à celui d’un travailleur à occupation principale, elle réclame aussi une diminution des heures en contrat étudiant et l’augmentation des cotisations sociales des jobistes qui permettrait un accès complet aux piliers de la sécurité sociale.

« Un bol d’air qui va faire plaisir aux entreprises »

Autre son de cloche chez Federgon, la fédération des prestataires de services RH. Son directeur Arnaud le Grelle se félicite du passage de 475 à 600 heures de travail étudiant : "la pénurie de bras se fait ressentir dans de nombreux métiers et les entreprises cherchent aujourd’hui à recruter, pas seulement dans l’HoReCa, l’événementiel ou le tourisme mais également dans le secteur industriel. La disponibilité plus grande des étudiants est un bon signal, cela va soulager des entreprises qui cherchaient de la main-d’œuvre. Passer de 475 à 600 heures, c’est une augmentation de 21%, c’est appréciable, même si on sait que peu d’étudiants rempliront ce quota. Le travail étudiant est fiscalement avantageux pour tout le monde puisque les charges sociales de l’employeur sont réduites et qu’elles sont quasi nulles pour l’étudiant."

Une satisfaction qui s’accompagne néanmoins d’un étonnement : "nous apprécions la mesure mais j’avoue qu’elle nous a surpris, nous n’étions pas demandeurs et nous aurions sans doute préféré qu’on active d’autres sources de main-d’œuvre comme les demandeurs d’emploi ou les inactifs. Maintenant, dire que les étudiants constituent une concurrence pour les travailleurs fixes est faux, c’est davantage un renfort qu’une menace de remplacement."

Attention à ne pas perdre les allocations familiales

L’augmentation du quota d’heures autorisées permettra donc aux étudiants de travailler 600 heures sans être taxés en 2023 mais attention, il faut rester attentif à une autre limite qui concerne cette fois les allocations familiales. Mais cela diffère selon les régions. A Bruxelles, pour qu’un jeune reste à charge de ses parents et bénéficie d’allocations familiales, il ne peut pas travailler plus de 240 heures par trimestre (sauf l’été où la limite tombe). Cela ne vaut que pour Bruxelles puisque la Wallonie et la Flandre n’imposent aucune autre limite que les 475 heures par an. 

Si un étudiant bruxellois dépasse ce seuil de 240 heures par trimestre, c’est-à-dire 62,5 jours complets de 7,6 heures, les allocations s’interrompront, ce qui peut parfois coûter plus cher que les quelques heures prestées en trop. Cela vaut donc la peine d’être surveillé, sachant qu’une fois prestée, une heure ne peut plus être annulée. Pas question non plus de reporter une heure de trop sur le trimestre suivant, les caisses d’allocations familiales sont assez intransigeantes sur la question. Par contre, si pour les trimestres suivants l’étudiant réajuste son nombre d’heures, il est possible de bénéficier à nouveau des allocations.

En Wallonie, depuis le 1er janvier 2021, la limite des 240 heures par trimestre a disparu pour les contrats sous occupation étudiante. Désormais, les revenus liés aux jobs d’étudiant n’impactent plus le droit aux allocations familiales, quel que soit le nombre d’heures travaillées par mois, par trimestre ou par année. Cela veut dire que tout étudiant jobiste domicilié en région wallonne peut bénéficier des allocations familiales et ce, même si il travaille plus de 240 heures par trimestre pendant l’année scolaire.
La limite des 240 heures/trimestre reste toutefois d’application en Wallonie pour les contrats qui ne sont pas prestés sous occupation étudiante. Les jeunes qui interrompent ou terminent leurs études peuvent travailler au maximum 240 heures par trimestre sous contrat ordinaire, pour conserver leur droit aux allocations familiales liées aux trimestres concernés. S’ils travaillent au-delà de cette limite de 240 heures par trimestre, ils n’auront pas d’allocations familiales pour les trimestres concernés.

Si un étudiant dépasse ce seuil de 240 heures par trimestre, c’est-à-dire 62,5 jours complets de 7,6 heures, les allocations s’interrompront, ce qui peut parfois coûter plus cher que les quelques heures prestées en trop. Cela vaut donc la peine d’être surveillé, sachant qu’une fois prestée, une heure ne peut plus être annulée. Pas question non plus de reporter une heure de trop sur le trimestre suivant, les caisses d’allocations familiales sont assez intransigeantes sur la question. Par contre, si pour les trimestres suivants l’étudiant réajuste son nombre d’heures, il est possible de bénéficier à nouveau des allocations.

En cas de doute, student@work est un service de l’ONSS qui peut vous informer. Infor Jeunes est aussi une source d’infos appréciable, le service d’aide aux jeunes propose toute une série de fiches, d'astuce et de conseils sur le travail étudiant, on ne peut que conseiller son site https://www.actionjob.be/ 

Sur le même sujet : Extrait JT (15/10/2022)

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