Nouvel outil
Le morceau "Heart on a Sleeve", réunissant les artistes Drake et The Weeknd, avait lui récolté des millions de clics sur TikTok et d’autres plateformes.
La technologie utilisée analyse et capture les nuances d’une voix. Les créateurs chantent probablement les paroles eux-mêmes, avant d’y appliquer un "clone" de la voix désirée, comme on applique un filtre sur une photographie.
Y arriver n’est pas simple et requiert des humains sachant manier l’IA, avec une réelle connaissance des logiciels de musique, selon Zohaib Ahmed, PDG de Resemble AI, une entreprise de Toronto spécialisée dans ce domaine.
"Je pense qu’il n’y a encore qu’une très petite partie de la population qui peut accéder à ces outils", dit-il. Il faut "lire dessus, avoir le bon ordinateur, et tout assembler."
Son entreprise est l’une de celles offrant une plateforme pouvant être diffusée plus largement auprès du secteur du divertissement -- dont un documentaire de Netflix soi-disant "commenté" par la voix du défunt Andy Warhol.
Pour Patricia Alessandrini, compositrice et enseignante à Stanford, le nombre croissant de morceaux générés par l’IA représente l’arrivée à maturité d’une technologie qui s’est développée de façon exponentielle -- tout en restant assez éloignée du grand public durant la dernière décennie.
"C’est un bon exemple de ce que l’IA fait très bien, c’est-à-dire tout ce qui à trait à la ressemblance", dit-elle à l’AFP. Mais "il n’y a vraiment aucun risque que cela remplace la riche histoire de l’art et de la culture créée par des humains."
Procès en vue
Pour l’industrie musicale, les implications sont énormes. La technologie permettant aux gens de facilement transformer leur voix en celle de leur chanteur favori ne se fera probablement pas attendre très longtemps.
Si les artistes "sont payés pour une licence de leur voix, alors tout le monde est content", estime Steve Onotera. "Mais que se passe-t-il pour ceux qui sont morts depuis longtemps ?"
La question des droits d’auteur est centrale.
Dans le cas de "Heart on a Sleeve", le groupe Universal a fait retirer le morceau des plateformes de streaming -- sans que cela n’empêche qu’il réapparaisse en ligne çà et là.
Selon Marc Ostrow, un avocat spécialiste de ces questions, la musique générée par l’IA est une "zone grise".
Des droits peuvent être réclamés à la fois par les artistes, et les labels de musique. Mais les créateurs de contenus utilisant l’IA peuvent se réclamer du concept juridique de "fair use" ("usage raisonnable"), sorte de clause d’exception.
La Cour suprême américaine a elle penché en sens inverse le mois dernier en estimant qu’une photographe, dont un cliché du musicien Prince a été utilisé par le peintre Andy Warhol, aurait dû recevoir des droits d’auteur.
En définitive, "je pense que les normes seront fixées par l’industrie de façon délibérée […] ou cela se finira en procès", a jugé Marc Ostrow auprès de l’AFP.
Les labels devront en effet composer avec la mauvaise publicité entraînée par un procès contre le travail d’un fan, vu comme un hommage et non une source d’argent.