"Je juge nécessaire de prendre cette décision qui était mûre depuis longtemps : immédiatement reconnaître l’indépendance de la République populaire de Donetsk et de la République populaire de Lougansk" a déclaré ce lundi le président russe Vladimir Poutine, demandant au Parlement russe "d’approuver cette décision puis de ratifier les accords d’amitié et d’entraide avec les deux républiques".
Ces déclarations, "c’est un acte de guerre", pour le commissaire européen belge Didier Reynders, "mais dans une guerre qui dure depuis maintenant 8 ans, il ne faut pas l’oublier" a-t-il recadré sur les ondes de la Première. "La Crimée a été annexée, dans le Donbass, la guerre est là depuis, avec des milliers de morts depuis des années, et ici c’est un acte de plus qui, c’est vrai, rompt les accords de Minsk qui tentaient de privilégier une solution pacifique au conflit et prévoyaient le respect de l’intégrité du territoire de l’Ukraine. Cette intégrité, manifestement va être à nouveau violée puisque le président russe annonce l’arrivée de troupes dans la région du Donbass".
Pas d’envoi de troupe occidentale
Une attitude du président Poutine qui est interprétée par l’Europe comme une confirmation que "la Russie se considère toujours, en tout cas à travers son président, non pas comme un état mais comme un empire, c’est-à-dire un état qui a une influence y compris territoriale sur ses voisins. On est dans une situation où la Russie essaie de prendre pied dans une série de régions autour de son territoire. On a vu ça en Moldavie, en Géorgie en 2008, et puis depuis 2014 en Crimée dans le Donbass. La situation se répète.".
Le spectre de l’union soviétique n’est jamais loin, et ce qui se passe actuellement s’inscrit dans un processus : "On a vu que la Russie souhaitait s’étendre sur des territoires, surtout russophones, on le voit en Géorgie, en Crimée et dans le Donbass depuis 8 ans on est face à un acte de guerre qui résulte d’une décision actuelle, mais dans une guerre qui dure déjà depuis des années. Les sanctions ont eu un effet mais elles vont devoir être manifestement renforcées, car on voit bien depuis des années qu’il y a une volonté de la Russie de prendre pied dans des pays voisins, parce qu’elle considère ses pays comme faisant partie de son territoire ou se trouvant dans son jardin".
Pas question pour autant, à ce stade, d’envoyer des troupes occidentales en Ukraine : "Le désir n’est pas d’intervenir directement mais de renforcer la présence aux frontières de l’Otan, assure Didier Reynders. L’Ukraine est aux frontières mais ne fait pas partie de l’Otan. Il y a un soutien sous forme de livraison d’armement des Etats-Unis et de pays européens, et il y aura des éléments de confrontation mais sans une présence. Le président américain l’a confirmé, et c’est ce qui prévaut dans l’Otan, en tout cas si on peut circonscrire les difficultés rencontrées dans cette guerre en Ukraine conflit à la région du Donbass".
Des sanctions individualisées et économiques, en gradation
Quelles sanctions justement ? "Il faudra un accord unanime des États membres, mais la commission a préparé un jeu de sanctions, parce que l’on reste dans une logique de droit, c’est-à-dire que si une situation se dégrade, on puisse prendre des mesures fortes, en concertation au sein de l’Europe, mais aussi avec les alliés américains, canadiens ou britanniques".
Par jeu de sanctions, il faut entendre des sanctions "graduées", qui pourraient être appliquées en fonction de l’évolution de la situation, et peuvent se diviser en deux grands types :
- des sanctions individualisées, qui viseraient "les personnes impliquées", comme l’a annoncé la présidente de la Commission Ursula von der Leyen : "Des sanctions qui visent à saisir leurs avoirs dans le monde, en Suisse, notamment, a détaillé Didier Reynders. Mais aussi l’interdiction de voyager".
- des sanctions économiques, "c’est-à-dire qu’il n’y ait plus d’importation de biens ou de services en provenance de Russie, on pense à l’énergie, aux services financiers à travers le monde. Ce qui serait une rupture du lien économique avec la Russie à travers le monde. Des sanctions qui pourraient aussi toucher le transfert de technologies, puisque pour faire fonctionner son secteur de l’énergie, la Russie a besoin de technologies venant du monde occidental".
"La Commission a préparé un jeu complet, explique Didier Reynders, tout est sur la table il faut voir maintenant avec les États membres quelle est la gradation que l’on envisage, quelles sont encore les chances de limiter le conflit à ce qu’il est maintenant depuis 8 ans, c’est-à-dire la Crimée et le Donbass. Si la situation devait se détériorer au-delà, évidemment les sanctions devraient être plus fortes".
"Une rupture d’approvisionnement nous poserait un problème"
Des sanctions qui pourraient poser problème aux Européens, aussi, dépendants du gaz russe : "On sait que le gaz russe tient une place importante dans notre approvisionnement énergétique, reconnaît Didier Reynders, plus dans certains pays que dans d’autres, mais sur l’ensemble de l’Union, le gaz russe c’est significatif".
L’Europe élabore une politique à moyen et long terme pour aller vers du renouvelable, mais ici, il faut gérer le court terme : "Nous avons travaillé depuis plusieurs semaines sur d’autres sources d’approvisionnement. Nous avons par exemple du gaz liquéfié qui peut venir du Qatar, ou des Etats-Unis. En Azerbaïdjan, nous avons d’autres possibilités d’approvisionnement en gaz, et nous avons des accords avec le monde économique pour pouvoir limiter la consommation en cas de problème. Mais c’est vrai qu’une vraie rupture d’approvisionnement nous poserait un problème. Depuis un moment on se prépare avec des solutions à court terme, mais il faudra continuer à investir dans d’autres sources à moyen et long terme".