Chanteuse, danseuse et comédienne hors pair, Joséphine Baker était certes follement talentueuse mais elle était bien plus encore : se heurtant à une vie dure et empreinte de racisme ségrégationniste dès son plus jeune âge, elle deviendra une combattante pour les droits civiques des Afro-Américains et une résistante durant la guerre, et, se construisant une carrière de main de maître, un puissant modèle de féminisme.
Elle a 7 ans lorsque sa mère l’envoie travailler chez les blancs. Elle connaîtra une succession de patronnes qui ne la traiteront jamais comme un être humain. Elle n’a que 13 ans lorsqu’elle fuit cette vie de souffrance à St Louis dans le Missouri, avec une troupe de théâtre noire itinérante. Nous sommes en 1922 et le parcours de Joséphine l’amène à New-York où le music-hall s’ouvre timidement aux Noirs. Joséphine se fait engager comme costumière et, malgré les réticences à laisser monter sur scène de jeunes artistes à la peau foncée, se retrouve sur scène quelques semaines plus tard. Le succès est immédiat : elle affirme d’emblée sa vitalité et sa joie de vivre avec des pas marqués par le temps de l’esclavage.
S’ensuit une proposition d’un producteur pour Paris, elle fonce, et hallucine en découvrant comment ces blancs parisiens la traitent correctement. Bien décidée à conquérir ce public, elle prépare un numéro seins nus. Et le public découvre cette tornade insaisissable, sa danse venue d’ailleurs, incarnant avant tout la liberté, ce charleston réinventé, c’est le triomphe. Un triomphe, entre facteur de décadence pour les grincheux et renouveau artistique dont l’Europe a besoin pour les modernes. La revue Nègre incarne une modernité noire américaine vue d’un mauvais œil par les conservateurs. Mais Joséphine Baker va jouer avec ce racisme et cette image fantasmatique de "sauvage", notamment en accessoirisant ses danses de sa célèbre ceinture de bananes. Elle continue sans doute à nourrir cette image de sauvage pour certains, mais elle parvient surtout à séduire les autres, les intellectuels, et à une époque où l’art africain est populaire, elle en devient l’incarnation, et s’inscrit parfaitement dans ces années folles avec ce besoin de vivre dans la démesure et de se libérer.
La guerre de 1940 sera pour Joséphine Baker l’opportunité de s’engager en entrant dans la Résistance comme espionne. Adulée en Europe, elle continuera encore longtemps à être rejetée par cette Amérique ségrégationniste. Jusqu’à ce jour du 28 août 1963, le jour de la grande marche pour les droits civiques à Washington, où elle répondra à l’invitation de Martin Luther King. Joséphine Baker, seule femme à prendre la parole devant la foule ce jour-là, bouclera une boucle, et, vêtue de l’uniforme de la France libre, en fera "le plus beau jour de [sa] vie".
Joséphine Baker, sa vie extra-ordinaire, sa carrière de star d’une modernité incroyablement libre pour l’époque, ses succès, ses déceptions, son image, ses amours, ses enfants, l’engouement excessif mais aussi l’aversion abjecte qu’elle a suscités, son combat pour les droits civiques, son rôle de résistante durant la guerre, c’est tout cela que ce doc vous fera voir, pour ne pas oublier l’empreinte inédite qu’elle a laissée dans l’Histoire.
"Joséphine Baker, première icône noire", c’est ce mardi 25 novembre à 20h30 sur La Trois, suivi du documentaire "Paris, années folles".