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Politique de migration et d’asile dans l’Union européenne : on ne fait pas de la grande cuisine en réchauffant les casseroles sales…

Par Olivier Hanrion via

Vous sentez ce parfum d’élections qui commence tout doucement à se dégager ? Mais si ! Tenez, quand chez nous le Cd&V agite l’idée d’un test pour devenir belge, vous n’allez pas me dire qu’il n’a pas un œil sur les échéances de 2024 ? Ou quand le chancelier autrichien se déplace en Bulgarie pour se féliciter de la construction d’un mur à la frontière turque et que dans le même temps il insiste pour que la Commission paye la facture, il y a sans doute là aussi une petite pensée pour 2024.

Ça commence à sentir la petite cuisine électoraliste. Les partis n’ont pas encore bien défini la recette mais ils font déjà chauffer les casseroles… Sauf qu’avant de faire la cuisine les Européens feraient bien de faire un peu le ménage. Et le principe de base du nettoyage, c’est de ne jamais mettre la poussière sous le tapis. Sur le moment ça peut être pratique, ça peut nous éviter des efforts supplémentaires… mais ça finit toujours par se voir.

Aucune avancée sur le dossier de la migration et de l’asile depuis 2015

C’est exactement ce qui est en train de se passer dans l’Union européenne avec la politique de migration et d’asile. Un thème qui colle aux basques des Européens depuis la crise migratoire de 2015. Vous vous souvenez de ces images. Plus d’un million de migrants qui débarquent sur les côtes de Grèce ou d’Italie avant de se retrouver sur les routes européennes. Avec à la clé, une grosse poussée de tension entre les Etats membres. Dans l’urgence, les 27 ont payé la Turquie pour qu’elle retienne ces migrants sur son territoire. Et puis ils se sont quand même dit qu’il fallait aussi trouver une solution plus pérenne : le pacte sur la migration et l’asile.

La Commission européenne le met sur la table en septembre 2020. Il s’agit d’un large plan européen censé donner un grand coup d’éponge dans la politique de migration et d’asile. Un pacte "scotch brite". Avec un côté qui gratte : on renforce les frontières et on renvoie les migrants qui ne peuvent pas rester dans l’Union. Et un côté plus doux : on renforce la solidarité entre les 27 pour éviter que tous les migrants ne se retrouvent coincés en Grèce ou en Italie. Sauf que la grande lessive promise n’avance pas. Les Etats membres tergiversent, la poussière s’accumule sous le tapis et ça commence sérieusement à sentir mauvais. D’autant que dans le même temps, l’Europe est de nouveau confrontée à une hausse des arrivées irrégulières sur son territoire : en 2022, quelque 330.000 personnes ont ainsi été dénombrées par Frontex l’agence des gardes frontières de l’Union européenne, soit le niveau le plus élevé depuis la crise migratoire. Sans oublier les quelque 4 millions de réfugiés ukrainiens qui ont trouvé un abri dans l’Union.

La hausse brutale des arrivées non autorisées en Europe remet le sujet sur la table des dirigeants européens

Le pacte de migration et d’asile européen est toujours bloqué au Conseil. Le côté le plus doux de ce texte divise les Etats membres. En revanche la crainte d’une nouvelle crise migratoire rend la partie qui gratte beaucoup plus acceptable pour tout le monde.

D’ailleurs, c’est sur une accélération des expulsions des migrants déboutés du droit d’asile que les 27 ministres de l’intérieur de l’Union ont planché cette semaine. Le ton monte. Même le patron du PPE, la famille politique de centre droit en Europe fait les gros yeux. Manfred Weber demande un code de conduite pour les ONG qui partent à la rescousse de migrants en Méditerranée. A peu de chose près, c’est le même discours que celui de l’extrême droite en Italie. Cela dit, les sociaux-démocrates européens n’hésitent pas non plus à surfer sur cette vague. C’est sur une politique zéro migrant que la première ministre danoise Mette Frederiksen s’est fait largement réélire il y a quelques mois.

La politique zero migrants du gouvernement danois, nouvelle source d’inspiration dans l’Union européenne ?

Le Danemark qui lui aussi a mis en place un test pour les migrants qui veulent obtenir la citoyenneté danoise. C’est même le pays de l’Union qui a les règles les plus dures en la matière. Le gouvernement danois envisageait par exemple de délocaliser au Rwanda ses demandeurs d’asile. Le projet vient tout juste d’être mis entre parenthèses. Pas parce qu’il ne collerait pas avec les valeurs de l’Union. Non. Selon Kaare Dybvad, le ministre danois des migrations et de l’intégration, c’est parce qu’aujourd’hui plusieurs pays européens seraient eux aussi prêts à franchir le pas.

On ne fait jamais de la grande cuisine en réchauffant les casseroles sales.

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