Il y a beaucoup plus de particules fines émises par l'usure des pneus et des freins que par le pot d'échappement de votre voiture! C'est une réalité, une pollution insoupçonnée. En tout cas, on en parle peu. "On n'est pas de pigeons" fait le point sur ce dossier qui préoccupe déjà les équipementiers.
Les voitures polluent et pas un peu! Notre santé et le climat en souffrent chaque jour... Il y a le CO2, les oxydes d'azote (Nox), les composés organiques volatiles et aussi les particules fines... tout ça sort du pot d'échappement. Mais la voiture ne pollue pas qu'avec son moteur : l'usure des freins et aussi des pneus sur l'asphalte produit des milliers de tonnes de particules fines. Ces émissions sont toxiques.
Nous avons découvert cette autre réalité chez Celine, à la Cellule interrégionale de l'environnement. Philippe Maetz, conseiller scientifique chez Celine confirme : "On arrive dans la situation où les émissions provenant de l'usure des freins et des pneus d'un véhicule sont supérieures, pour l'ensemble de la Belgique, à celles qui sortent du pot d'échappement".
En Belgique, depuis 2010, les émissions de particules fines provenant des pots d'échappement n'ont cessé de diminuer alors que celles émises par l'usure des freins et des pneus ont légèrement augmenté. Résultat : freins et pneus dégagent 60% de particules en plus que les pots d'échappement. Les efforts des constructeurs poussés par des normes strictes ont produit des résultats.
Mais en ce qui concerne la pollution produite par les freins et les pneus, qu'en est-il? Philippe Maetz : "Il n'y a aucune législation actuellement. Dans les futures législations actuellement en préparation, peut-être cela sera inclus. Mais actuellement, ce n'est pas réglementé. Ni Europe, ni en Belgique".
Et la voiture électrique?
Mais il y a un autre souci : les voitures électriques! Elles ne rejettent aucune particule fine. Mais avec l'usure des freins et des pneus, est-ce encore le cas? Pour le avoir nous sommes allés chez Transport et Mobility à Leuven. Là, Bruno Van Zeebroeck, administrateur de Transport et Mobility Leuven, a fait la comparaison : "Au niveau ordre de grandeur, c'est la même chose. Au niveau des particules qui sont causées par l'usure des freins, de la route et des pneus, c'est le même ordre de grandeur. C'est environ 20mg/km pour une voiture électrique, pour une voiture diesel ou essence. Maintenant la répartition des particules est différente. Il y en a plus au niveau des pneus et de la route parce que la voiture électrique est plus lourde à cause de la batterie et moins à cause des freins".
Mais tout le monde n'est pas d'accord. Nous avons fait un tour en voiture électrique avec Bernard Deboyser, un autre consultant en énergie et mobilité. En fait, la voiture électrique utilise ce qu'on appelle le "freinage régénératif". Elle ne freine pas vraiment. Comment ça, elle ne freine pas? Bernard Deboyser : "Quand je pousse sur la pédale de frein, le moteur se transforme en alternateur au début du freinage. Donc en fait, les freins mécaniques ne sont pas actionnés. C'est en régénérant l'électricité que la voiture freine".
Une solution française pour les freins : "Tamic"
Quoi qu'il en soit, la production de particules fines émanant de l'usure des freins et des pneus est une réalité. Et il y a une solution. Nous l'avons trouvée à Paris, à la société Tallano. On y a développé cette petite turbine qui permet d'aspirer les poussières au niveau des freins. Nous avons aussi fait un petit essai en voiture avec Christophe Rocca-Serra, le responsable de cette société. La technologie s'appelle "Tamic" pour "Turbine Aspirante pour particules".
Nous nous sommes ensuite rendus à l'UTAC, un centre d'essai de l'industrie automobile. C'est là que le système Tamic est mis au banc d'essai. 85% des microparticules seraient ainsi aspirées par le système.
Regardons-y de plus près avec Christophe Rocca-Serra : "On a mis la turbine le long de l'amortisseur. Elle est connectée à l'étrier de frein et vient aspirer les particules directement sur les plaquettes". Les mini-turbines sont ainsi installées sur chaque étrier de freins. Les plaquettes sont crantées pour permettre une bonne circulation des particules qui sont alors aspirées dans le filtre. La technologie est au point. Mais combien çela coûterait-il si les voitures étaient équipées de série? "Le coût de production est de quinze euros par roue. Cela revient donc à 60 ou 80 euros par voiture en fonction du nombre de turbines que l'on va mettre sur le véhicule". Le système semble efficace. Il y a déjà trois constructeurs automobiles intéressés. Mais on n'en saura pas plus. La solution "freins propres" devrait équiper nos voitures vers 2022. Mais peut-être sera-t-elle mise en application sur les trains, bien avant. La SNCF a en effet passé contrat avec Tallano pour équiper certains trains du RER parisien dès le printemps prochain.
Les pneus ... une solution?
Il n'y a pas encore solution radicale pour les émanations de particules causées par l'usure des pneus. L'association européenne des fabricants de pneus (ETRMA) est consciente du problème mais elle estime que son produit est responsable de la production d'une très petite quantité de pollution. Elle avance le chiffre de moins d'1% de PM10 généré par l'usure des pneus dont une moitié serait causée par le revêtement des routes. Selon cette association la recherche continue. Un seuil de mesure d'abrasion des pneus est en discussion au niveau européen.
En attendant, il faudra continuer à subir une pollution dont on ne soupçonnait pas l'existence.