Ce sont des chiffres que l’on redoute, tous les deux ans. Parce que depuis 10 ans, ils sont en hausse constante. Cette année 2020 marquée par la crise sanitaire ne déroge pas à la règle. On dénombre dans la rue ou dans les centres d’hébergement d’urgence plus de 5300 personnes, contre un peu moins de 4200 en 2018. C’est ce que dit le sixième rapport de dénombrement des personnes sans-abri et mal-logées mené cette année par le très jeune organisme Bruss’Help, désormais chargé de l’aide d’urgence et de l’insertion en région bruxelloise. Mais que disent ces chiffres dans les détails ?
Une photographie à l’instant T
Cette opération de dénombrement existe depuis 12 ans à Bruxelles. L’idée, c’est de faire une photographie à un instant T de la situation bruxelloise. Parce que le sans-abrisme est un phénomène marqué par le mouvement, les allers et retours, parfois l’errance. Alors, tous les deux ans, on appuie sur pause un soir de novembre, dans toutes les structures d’urgence, les hôtels ouverts pendant la crise sanitaire, les logements de transit, les maisons d’accueil, les occupations négociées, les squats. On y dénombre les personnes ce jour-là, et le soir même avant minuit, près d’une centaine d’associations quadrille la région bruxelloise pour compter les personnes qui dorment en rue. En novembre dernier, nous les avions accompagnées.
La crise sanitaire sur la crise sociale
Quatre mois plus tard, Bruss’Help détaille son rapport : le nombre de personnes sans-abri et mal-logées passe de 4187 en 2018 à 5313 en 2020, c’est une augmentation de 27%. Il faut sans doute la nuancer, parce que le dénombrement de 2018 s’était déroulé dans des circonstances compliquées et avait sans doute été sous-estimé. Et puis il y a la crise sanitaire, "mais selon nous, il s’agit avant tout d’une crise sociale et économique qui préexistait", analyse François Bertrand, directeur de Bruss’Help. "L’accès au logement est de plus en plus compliqué pour les ménages à revenus modestes. Et là-dessus, vient la crise covid qui a fortement appauvri les ménages. […] Ici la crise a un effet de bombe à retardement dans le sens où son impact se fait déjà sentir sur la précarisation des ménages, maintenant. Mais ce sera aussi le cas dans les années à venir".