Chroniques

Plan Alcool, encore une bouteille à l’amer

Les coulisses du pouvoir

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

On reparle d’un plan alcool en Belgique. Il sera discuté ce jeudi 10 novembre en comité ministériel restreint. Mais il risque d’être très peu ambitieux. Entre contraintes économiques et réalités culturelles, la santé publique risque de ne pas être la priorité.

L’échec de 2016

La dernière fois qu’on a parlé du plan alcool dans cette chronique, c’était en 2016 lorsque la ministre de la santé Maggie De Block avait purement et simplement annulé la conférence interministérielle prévue pour approuver un plan national Alcool, un plan qui remontait à 2013 et qui avait déjà échoué. Laurette Onkelinx était ministre de la santé.

Principal parti opposé à des mesures visant à diminuer la consommation d’alcool en 2013 et 2016, le VLD, le parti de Maggie de Block à l’époque et donc d’Alexander de Croo aujourd’hui. On verra si l’histoire se répète une troisième fois. Ici on est au stade des discussions en Kern, pour que le plan soit national, il faut que les entités fédérées soient associées.

Restrictions et prévention

Les mesures discutées sont plus ou moins les mêmes qu’à l’époque. 

  • Interdiction de vente dans les distributeurs automatiques ou par définition l’interdiction de vente aux mineurs n’est pas possible.
  • Interdiction d’alcool dans les stations d’autoroutes.
  • Interdiction de vente la nuit, (ce point a déjà été enlevé de la note).
  • Restrictions de la publicité
  • Prix minimum par unité d’alcool.

Cette note, déjà peu ambitieuse, va être discutée, plusieurs points sont très compliqués, comme le prix minimum. Ce qu’il faudra scruter, c’est le positionnement des différents partis. Le VLD s’est-il assoupli ? Frank Vandenbroucke de Vooruit en fait-il une priorité ?

Multiples freins

Les freins sont très nombreux. Il y a évidemment le frein économique. En Belgique, de nombreux acteurs vivent de l’alcool. Le pays du plus grand brasseur mondial (AB Inbev) est aussi le pays d’une myriade de microbrasseries, de PME, d’indépendants, de travailleurs qui n’ont rien à gagner d’une diminution de la consommation d’alcool. Ce secteur a des relais dans le monde politique. On peut même parler de relations incestueuses. L’actuel ministre bruxellois Sven Gatz a ainsi été un temps à la tête de la fédération des Brasseurs. L’actuel chef de cabinet du président du MR siège encore au board de Duvel Moortgat.

L’autre frein est sans doute encore plus grand, il est culturel. L’alcool fait partie de notre vie sociale. En 2016 déjà, l’opposition frontale du VLD arrangeait bien les autres partis, même sincèrement convaincus de la nécessité d’agir, car il ne faut pas avoir fait "Sciences Po" pour comprendre qu’augmenter le prix de l’alcool et interdire sa vente en night shop ne sera pas bien accepté, en tout cas dans un premier temps.

A la différence du tabac, 100% des consommateurs d’alcool ne sont pas dépendants. On parle d’environ 10% de la population. C’est énorme, mais cela rend beaucoup plus difficiles les politiques de restriction et de prévention. Voilà pourquoi la Belgique n’a pas de plan national alcool. Et si elle en a un, il risque fort d’être peu ambitieux.

La sagesse des brasseurs

La santé publique a rarement fait le poids contre les brasseurs. Comme en 1992. La Belgique réfléchit à introduire la mention obligatoire "L’abus d’alcool nuit à la santé" dans les publicités. Le lobby de la bière anticipe et prône l’autorégulation. Il négocie le code dit "Arnoldus" qui aboutit à l’euphémique "Une bière brassée avec savoir se déguste avec sagesse"

Cette sagesse toute belge, qui permet à un conducteur d’acheter de la bière sur l’autoroute pour fêter la fin de sa journée de travail.

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous