Que ce soit en boîte de nuit, lors d’un match de foot ou encore, plus récemment, lors de la Belgian Pride à Bruxelles, les cas de piqûres dites "sauvages" se multiplient en Belgique.
Ce phénomène n’est d’ailleurs pas tout à fait nouveau. Il a commencé à se faire connaître au Royaume-Uni fin de l’année dernière avec une pétition demandant de fouiller les clients à l’entrée des boîtes de nuit. Il s’est ensuite propagé en France où une soixantaine de cas ont été signalés depuis le début du mois d’avril ; avant de s’étendre, plus récemment, à la Belgique et aux Pays-Bas.
Un point commun : la trace d’une piqûre
Nausées, vertiges, sueurs froides, perte de conscience,…Voilà quelques-uns des symptômes ressentis par les victimes de ces piqûres. Mais jusqu’à ce jour, aucune analyse de sang, aucun dépistage toxicologique, n’a permis de mettre en évidence une substance qui aurait pu être injectée.
Seul point commun entre toutes les victimes : elles présentent bien une trace de piqûre sur le corps.
Plusieurs hypothèses circulent.
Une piqûre sans injection de produit ?
Vu l’impossibilité de détecter l’éventuel produit qui aurait pu être injecté, certains se demandent si, en réalité, un produit a bien été injecté.
D’autant que les symptômes développés par les victimes sont semblables à ceux déclenchés par l’angoisse.
Philippe Hantson, responsable du centre de toxicologie aux Cliniques universitaire Saint-Luc évoque aussi le risque de symptômes sociogéniques de masse : des symptômes, qui à cause du battage médiatique, peuvent se propager au sein d’une population sans qu’elle ne soit exposée à un agent infectieux.
Une piqûre d’insuline ?
C’est l’hypothèse la plus récente évoquée par le Dr Philippe Boxho, médecin légiste à l’institut médico-légal de Liège, et communiquée, ce mardi, par les journaux du groupe Sud Presse : le ou les auteurs utiliseraient des piqûres d’insuline, celle que les diabétiques utilisent pour réguler leur taux de glycémie.
Ces seringues et aiguilles à insuline, faciles à trouver, sont de petits calibres et facilement injectables. Il ne serait donc pas étonnant, pour ce spécialiste, qu’elles soient utilisées d’autant que "les effets qui sont décrits sont des effets classiques de l’hypoglycémie".
Une hypothèse qui étonne le professeur de l’UCLouvain, Philippe Hantson, puisqu’aucun cas répertorié jusqu’à présent n’a présenté un taux de glycémie à la baisse alors que le diagnostic est facile à poser. "Quand l’état de conscience d’une personne est altéré, le premier réflexe est de tester l’hypoglycémie. Piquer tout de suite au bout du doigt et on voit tout de suite si le taux glucose est abaissé".
Ce qui n’est pas si simple, selon le médecin légiste que nous avons nous-même contacté : "En médecine légale, quand on a un mort, on a les pires difficultés du monde, alors qu’il meurt de l’insuline (cela veut dire que la quantité injectée est énorme), à démontrer qu’il y a un excès d’insuline qui ait pu engendrer une chute du taux de sucre qui ait pu engendrer un décès".
Pourquoi ? Parce que "l’insuline que l’on injecte est de l’insuline humaine qui est forcément la même insuline que nous sécrétons naturellement. Donc, c’est très difficile d’arriver à mettre en évidence que de l’insuline supplémentaire a été ajoutée".
De plus, le Dr Philippe Boxho imagine que ce ou ces auteurs "piquent à peine, et ils ont à peine le temps d’injecter quelque chose (s’ils injectent quelque chose). Mais injecter de l’insuline, même en très faible quantité, peut engendrer une symptomatologie qui ne sera que transitoire. Donc, quand la victime arrive aux urgences, il est possible que les symptômes aient disparu, que la crise soit passée et que le taux d’insuline soit revenu à la normale".
La seule façon d’en avoir la certitude serait de prélever un morceau de peau de "5 cm3" à l’endroit de la piqûre. Mais si cela donne des résultats pour les morts, il est inimaginable de faire ça sur une personne encore en vie.
On est donc dans l’impasse. Mais une fois encore, tout cela n’est qu’une hypothèse.
Une soumission chimique ?
D’autres évoquent l’utilisation de produits de soumission chimique comme le GHB, la drogue du viol. Mais pour le toxicologue, Philippe Hantson, c’est peu probable : "Celui qui voudrait profiter d’une victime a beaucoup d’autres moyens, moins risqués. Dans une boisson, le GHB par exemple, n’a aucun goût, aucune odeur. Donc c’est classiquement la façon de procéder".
De plus, aucun dépistage n’a mis, jusqu’ici, en évidence la présence de GHB ou d’autres substances toxiques.
Une nouvelle drogue ?
Enfin, d’autres évoquent encore une nouvelle drogue testée à grande échelle.
Une dernière hypothèse à laquelle le Dr Philippe Boxho ne croit pas du tout : "Si c’était une nouvelle drogue, on aurait des effets", explique le médecin légiste. "Les effets qui sont décrits sont des effets classiques de l’hypoglycémie ou de l’angoisse. Et si c’est une nouvelle drogue, elle n’est pas très efficace parce qu’elle n’a aucun effet sur le long terme et ne développe aucune dépendance. Donc l’histoire de la nouvelle drogue que l’on essaie, je n’y crois absolument pas ou alors c’est vraiment une drogue qui ne sert strictement à rien. Donc une drogue inutile et inefficace, vouée à disparaître rapidement".