Belgique

"Pipigate" : le ministre Van Quickenborne montre ses propres images pour se disculper

© RTBF – Belga Photo, Dirk Waem

Par Jean-François Noulet, avec T. Dechamps et F. Van Eeckhaut

Que s’est-il vraiment passé dans la soirée du 14 août dernier lors de la fête d’anniversaire organisée au domicile du ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne, à l’occasion des 50 ans de ce dernier ?

On savait déjà, suite à des révélations faites le 23 août dernier, que des invités du ministre avaient uriné contre un combi de police stationné devant le domicile du ministre, celui-ci faisant l’objet d’une protection policière en raison de menaces de mort qui pèsent sur lui.

Ce lundi, la VRT mettait en avant d’autres détails, après avoir pu visionner les images que les caméras de surveillance de la police ont enregistrées cette nuit-là. Selon la VRT, on y voit des invités uriner contre le combi de police et entrer dans celui-ci à trois reprises, à 20h39, 22h05 et 00h02. La VRT a aussi expliqué que, quelques heures plus tard, à 4h00, les images montrent le ministre, à l’extérieur de son domicile, accompagné d’un invité. Selon la description faite par la VRT, on verrait sur ces images le ministre penché en arrière, faisant semblant d’uriner. On le verrait aussi regarder un téléphone portable en riant.

Le ministre de la Justice a déjà eu l’occasion de démentir cette interprétation faite par la VRT. Aujourd’hui, Vincent Van Quickenborne réplique et se défend en montrant ses propres images de la fin de soirée, filmées par le système de caméras de surveillance de l’habitation. Avec ses images, le ministre donne une autre interprétation des faits qui, selon lui, le disculpe.

 

Vincent Van Quickenborne : "Je suis très clair, je ne savais pas ce qu’il s’était passé"

Ce sont les images de ses propres caméras de surveillance, celles qui filment les abords de son domicile, que le ministre a montrées ce mardi à notre équipe de reportage et à d’autres médias. Le ministre nous a expliqué qu’un peu avant 04h00, il a raccompagné un de ses invités qui attendait un taxi. Les deux hommes seraient restés sous le carport plus d’une demi-heure à attendre. A 3h59, en témoigne l’heure incrustée dans l’image, on voit le ministre s’avancer vers le bord du trottoir, accompagné de cet invité. On aperçoit Vincent Van Quickenborne se pencher vers l’arrière, une image qui selon le ministre a été interprétée à tort comme celle d’un homme qui urine. "Certains en déduisent que je copie ce que certains ont fait sept heures avant. Je suis très clair, je ne savais pas ce qu’il s’était passé", explique aujourd’hui le ministre.

Quant aux images que le ministre et son invité regardaient sur le GSM en grande hilarité, là aussi, le ministre a des explications. Contrairement à ce que certains ont supposé, il ne s’agissait pas de regarder la vidéo des invités ayant uriné sur le combi de police. Il s’agissait pour le ministre de réaliser un selfie avec son ami. "Quand vous regardez ce qu’il se passe, il est 03h59, clac, je prends une photo de moi, un selfie", décrit le ministre. Les images vidéo présentées aujourd’hui par le ministre montrent cette action. Vincent Van Quickenborne apporte une autre preuve : la photo ce selfie, enregistrée dans son téléphone et dont la date et l’heure de prise de vue concordent avec l’heure et la date des images de la caméra de surveillance.

Le ministre de la Justice le réaffirme : à ce moment-là, il n’était pas au courant que deux de ses invités avaient uriné sur le combi de police. "Il faut savoir que de toutes les personnes qui étaient présentes à la soirée, aucune n’a parlé de cela", explique le ministre. "Quand les nouvelles sont sorties le 23 août, tout le monde sauf bien évidemment ceux qui ont commis les faits, étaient vraiment étonnés de ce qu’il s’est passé", poursuit Vincent Van Quickenborne.

"Avec ces images, je démontre mon innocence"

Vincent Van Quickenborne montre ensuite les images d’une autre de ses caméras de surveillance. On le voit se diriger avec son ami vers le combi de police. C’était, selon lui, pour en fermer la porte avant de s’éloigner. "Je vois que la porte n’est pas bien verrouillée, je l’ouvre et je la ferme", explique le ministre qui ajoute bien connaître ce combi qui "est là depuis des mois" et dont il sait "qu’il n’est jamais verrouillé". Le ministre assure qu’à ce moment-là, il ignorait que certains de ses invités avaient uriné contre ce combi plus tôt dans la soirée.

A 04h09, le taxi de l’invité arrive. Pour le ministre, c’est l’heure d’aller se coucher.

"Sur base de ces images, certains disent que j’étais parfaitement au courant de ce qu’il s’est passé et que j’ai menti. Au contraire, avec ces images, je démontre mon innocence", affirme aujourd’hui Vincent Van Quickenborne. "Peut-on tirer de ces images l’interprétation que j’étais au courant de ce qu’il s’est passé ? La réponse est non", ajoute le ministre.

Vincent Van Quickenborne dit avoir depuis le début collaboré avec le parquet et demandé aux invités qui ont uriné sur le combi de se dénoncer, ce qu’ils ont fait.

Jeudi, le ministre de la Justice se présentera devant la Commission Justice à la Chambre où plusieurs partis lui ont demandé de s’expliquer. "Je le ferai, il n’y a aucun problème", précise le ministre de la Justice.

Le ministre dénonce une opération de déstabilisation de certains syndicats de police qui s’opposent à des décisions ministérielles réformant le système de pension à 58 ans des policiers. "Je suis un ministre qui réforme. Certains n’acceptent pas et cherchent à bloquer tout ça", lance le ministre de la Justice.

Du côté syndical, on ne digère pas d’être soupçonné de vouloir régler des comptes avec le ministre

Du côté syndical, on n’apprécie pas que le ministre voie, derrière les difficultés qu’il traverse dans cette affaire, une opération menée par le syndicat pour régler des comptes. "C’est pitoyable", réagit Vincent Gilles, du syndicat SFP Police. "Ce n’est pas notre façon de faire", poursuit le responsable syndical. "Nous avons effectivement lancé une procédure judiciaire. Cette procédure, nous la laissons courir de manière naturelle, comme le bon droit nous l’impose", ajoute le syndicaliste pour qui "tout se fera dans un tribunal" et pour qui "il n’est pas question de régler des comptes".

Quant aux images des caméras de surveillance évoquées par la VRT, Vincent Gilles en a lu le récit et se dit "étonné, voire effaré par le contenu, avec un petit doute". Pour ce qui est des images produites par Vincent Van Quickenborne lui-même, "que voit-on ? En fait la confirmation de ce que la VRT a publié, si je ne m’abuse", réagit Vincent Gilles pour qui tout cela est "pitoyable".

"Une bêtise dont ils ont profondément honte", selon l’avocat des auteurs des faits

"Une bêtise dont ils ont profondément honte." C’est ainsi que l’avocat Joris Van Cauter a décrit, sur X (anciennement Twitter), les méfaits de deux invités qui ont uriné sur un combi de police lors de cette fête d’anniversaire.

Selon Me Van Cauter, ses clients ont immédiatement contacté la justice dès qu’ils ont eu connaissance de la polémique. L’avocat parle d’un "comportement stupide qui n’est pas criminel". "Ils n’avaient nullement l’intention de salir la police ou de détruire des choses. […] Ils ont le plus grand respect pour l’État de droit et le rôle crucial que la police y joue", a indiqué Me Van Cauter dans son communiqué. "C’est d’autant plus vrai que leur ami, le ministre de la Justice, et sa famille, ont été protégés par la police dans des circonstances difficiles. Il est très regrettable que leurs actions, dont ils sont seuls responsables" affectent aujourd’hui Vincent Van Quickenborne. "D’autant plus que cela s’est passé à son insu", a-t-il précisé. Selon l’avocat, ses clients "semblent être les pions d’un jeu dans lequel d’autres intérêts sont en jeu", faisant peut-être référence aux relations tendues entre le ministre de la Justice et les syndicats de police.

Extrait du JT du 05/09/2023

Pipigate : le ministre de la Justice persiste il ne savait pas

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