Economie

Pierre Larrouturou: "Il faut arrêter les rustines et changer l'Europe"

Pierre Larrouturou était l'invité de Matin Première ce lundi

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Pour l'auteur du livre "C'est plus grave que ce qu'on vous dit... Mais on peut s'en sortir !", ce nouveau plan d'aide est plutôt une bonne nouvelle puisqu'il va éviter "l'effondrement de toutes les banques espagnoles et donc de toutes les banques européennes mais il ne règle pas les problèmes sur le fond". 

"Cela fait trois ans que la crise s'aggrave en Europe, que l'on fait des sommets historiques et deux mois plus tard, on voit qu'on a rien réglé. Donc c'est très bien d'avoir mis 100 milliards pour aider les banques mais maintenant il faut vraiment changer l'Europe".

Le problème : les "taux d'intérêts monstrueux"

Pour Pierre Larrouturou "la situation de l'Espagne est beaucoup moins grave que celle de la Grèce. L’Espagne est une économie plus solide avec moins de déficit, avec moins de dette, avec beaucoup d'atouts et je vous rappelle que l'Espagne aurait un excédent budgétaire, comme l'Italie d'ailleurs, si elle ne payait pas des frais financiers considérables aux banques".  

"Il est scandaleux de dire que l'on prête 1000 milliards aux banques privées au taux de 1% mais à cause de la crise on demande à l'Espagne ou à l’Italie de payer des taux monstrueux à 6 ou à 10%. C'est deux poids deux mesures, c'est anormal", dit-il et d'ajouter : "Quand il faut sauver les banques (et il le faut) on trouve 1000 milliards en début d'année et là 100 milliards à des taux très faibles (3%) mais quand il faut sauver l’État, les soins de santé, l'éducation, etc., on propose des taux de 6 à 10%, c'est scandaleux ! Or, sans changer les traités européens on pourrait très bien financer au taux de 1% la dette de l'Espagne, de l'Italie ou de la Belgique".

"On devrait être plus exigeant avec les dirigeants et les actionnaires"

Cet économiste pointe également du doigt les dirigeants et les actionnaires "qui ont gagné des milliards depuis des années". En Espagne, c'est à cause d'eux que "les gens se sont endettés bêtement" en les poussant à contracter un emprunt sur 30 ou 40 ans.

"Aux États-Unis", dit-il, "une loi a été votée il y a un an qui dit qu'il y a une rétroactivité des sanctions pour les actionnaires et les dirigeants des banques. On peut, si on voit qu'ils ont poussé les gens à s'endetter bêtement sans leur dire la vérité des contrats, on peut récupérer l'argent des actionnaires ou des dirigeants qu'ils ont gagné depuis 5 ans ou 7 ans. Donc, avant de mettre de l'argent public, je trouve qu'on devrait être plus exigeant avec les dirigeants et les actionnaires".

"Il faudrait un impôt européen sur les dividendes"

Si la Grèce devait sortir de la zone euro, "tout le monde y perdrait", affirme-t-il. Par contre, si l'Europe arrêtait "les rustines" et "d'éteindre les incendies" pour s'attaquer à l'avenir de l'Europe sur le fond, ce serait tout bénéfice pour tout le monde, selon lui.

Et d'expliquer : "Le taux d'impôts sur les bénéfices en Europe est passé de 37% à 25% en même pas 20 ans, c'est ce qu'on appelle le dumping fiscal. Depuis que l'Irlande est dans l'euro, tout le monde baisse le taux d'impôt pour que les entreprises ne partent pas. Si on avait gardé le même taux d'impôt sur les entreprises qu'il y a 20 ans, on aurait gagné moitié plus. Le problème de la dette publique serait moins grave. Or aujourd'hui, le taux d'impôts sur les bénéfices est de 40% aux États-Unis et de 25% en Europe. Il faudrait un impôt européen sur les dividendes".

Toute l'Europe est en train de tomber en récession mais c'est pire ailleurs

"Indépendamment des banques, toute l'Europe est en train de tomber en récession. Pour la Chine et les États-Unis, c'est encore plus déséquilibré", affirme Pierre Larrouturo qui s'appuie sur les déclarations de Barack Obama vendredi dernier qui a déclaré que l'économie américaine n'allait pas bien. 

"La dette aux États-Unis dépasse les 360 % du PIB. Il y a de moins en moins de croissance. En Chine, la bulle immobilière a explosé : -25% sur les ventes de logement au 1er trimestre. Finalement, la zone euro est moins déséquilibrée que les États-Unis ou la Chine". 

"Tout le monde dit qu'on est dans une crise historique, elle pourrait être plus grave que 1930", conclut-il tout en renvoyant au site internet du collectif "Roosevelt 2012" où quinze réformes y sont proposées pour sortir de la crise.

C. Biourge

 

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