Cet article a été publié initialement le 20 juillet. Il a été remis en avant suite au sauvetage du Beluga égaré dans la Seine.
Environnement
Cet article a été publié initialement le 20 juillet. Il a été remis en avant suite au sauvetage du Beluga égaré dans la Seine.
L’an dernier, le nombre de phoques échoués et retrouvés morts sur le littoral belge a doublé, passant à 100 en 2021 contre une moyenne de 44 au cours de la période 2018-2020. Nos 65 kilomètres de côtes sont donc des endroits que les spécialistes des mammifères marins observent tout particulièrement.
Ce matin, Sophie Brems interrogeait à ce sujet Thierry Jauniaux, vétérinaire à l’ULiège et expert de la question.
Alors, qu’est-ce qui explique cette augmentation ? Quels mammifères s’échouent sur nos plages ? "Ce sont principalement des veaux marins, donc le phoque commun et le marsouin, qui sont les plus présents sur les côtes" souligne Thierry Jauniaux. Les phoques sont des phoques communs, comme on peut les voir en Mer du Nord. Pour les marsouins, il s’agit des plus petits des cétacés. Un petit dauphin en somme. En mer du Nord, ce sont ces derniers qui sont les plus nombreux : "On estime la population de marsouins à un peu plus de 300.000 et celle de phoques environ 40 à 50.000 (mais c’est le nombre le plus difficile à évaluer)", note le vétérinaire.
Au départ, on en avait un ou deux par an
Thierry Jauniaux, avec l’Institut royal des Sciences naturelles et le Sea Life de Blankenberge, a publié un rapport sur les échouages de mammifères marins en Belgique. Pourquoi ce nombre en augmentation des phoques sur nos plages ? "Il y a différentes explications. C’est vrai que ça fait 30 ans que je fais des autopsies de mammifères marins échoués à la côte belge. Au départ, on en avait un ou deux par an, c’est vous dire qu’on a fortement augmenté. La première explication, c’est qu’il y a eu des mouvements de déplacements de population. Par exemple, les marsouins et les phoques étaient plus localisés dans le nord de la mer du Nord, se sont déplacés vers le sud. C’est une première explication".
Le réchauffement climatique, même s’il n’en est pas l’unique cause, est pointé du doigt. "Cela en fait partie. Les proies dont ils se nourrissent se sont déplacées, eux (les mammifères marins, ndlr) sont obligés de manger tous les jours. Donc, ils ont suivi les déplacements de leurs proies. Ils ont changé de proies et se sont ainsi déplacés vers le sud, là où ils n’étaient pas du tout observés auparavant".
Ils sont donc davantage présents sur notre littoral : "Et on a d’ailleurs en permanence des phoques qui sont bien vivants dans le port de Nieuport. Mais si on va plus du côté français, on a aussi de grandes colonies. Que ce soit du côté de Calais ou même en baie de Somme, on a de très nombreux phoques" fait remarquer Thierry Jauniaux.
Ils ont changé de proies et se sont ainsi déplacés vers le sud
On parle aussi de plus en plus de pollution sonore. Phoques et marsouins en souffriraient également : "Il y a différentes raisons pour lesquelles il y en a plus qui s’échouent. Il y a la population qui se déplace, il y a de nouvelles maladies qui apparaissent. Il y a une véritable souffrance de ces animaux par la perte de nourriture et moins de proies. Plusieurs raisons pour ça, la surpêche, par exemple. Il y a aussi les captures dans les filets. Il y a les collisions parfois avec les bateaux. Et il y a aussi l’impact de la pollution sonore, ça peut être la circulation maritime, ça peut être aussi les vibrations transmises dans la colonne d’eau par les parcs éoliens" explique-t-il. Les grands parcs éoliens implantés en mer provoqueraient "des altérations au niveau de l’oreille, et donc ils deviennent provisoirement, parfois de façon permanente, complètement sourds". De ce fait, ils savent plus tout s’orienter ni chasser.
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Certains de ces fantastiques nageurs perdus sur nos côtes peuvent quand même aussi être sauvés grâce aux Sea Life de Blankenberge. Ceux qui sont encore en vie peuvent être soignés, notamment par les équipes du centre aquatique. Comment ça se passe ? Victor Vienne, sauveteur, est sur le pont.
Il va manger chaque jour presque quatre kilos de poissons et comme ça, après deux mois, il est prêt pour retourner à la plage
Il arrive sur la plage, puis regarde l’état de santé de la bête. Si l’animal n’est pas en bonne santé, "on le prend chez nous, dans le sauvetage des phoques, le vétérinaire donne des médicaments, des vitamines, tout ça et après il va manger chaque jour presque quatre kilos de poissons et comme ça, après deux mois, il est prêt pour retourner à la plage".
Chaque année, le Sea Life relâche donc entre cinq et dix, parfois même une quinzaine de phoques.
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Thierry Jauniaux pratique de nombreuses autopsies, en Belgique, mais aussi ailleurs, comme en France. Sophie Brems fait remarquer au vétérinaire qu’un mammifère marin a été aperçu il y a peu dans un des affluents de la Seine. "Il y a six semaines, il y a eu une orque qui s’est échouée dans la Seine et qui est morte" explique l’expert de l’Université de Liège. "Et juste un mois plus tard, il y a deux semaines, il y avait un rorqual. Mais celui-là a eu beaucoup de chance, il a juste été filmé par les gens qui étaient en bateau et après il a disparu, on ne sait pas où il est passé. Il y a de plus en plus de nouvelles espèces qui apparaissent".
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Il y a des espèces qui s’échouent, qui ne s’échouaient pas auparavant
Deux grandes explications peuvent être évoquées. "Il y a deux phénomènes. Il y en a plus (davantage de mammifères marins, ndlr). Il y a un mois, il y avait une baleine à bosse qui se promenait le long de la côte et également au large de la France qui malheureusement s’est échouée aux Pays-Bas. Et aussi un autre phénomène, c’est que maintenant tout le monde a un smartphone à bord de son bateau et peut facilement dès qu’il voit quelque chose va sortir son smartphone, filmer ce qu’il voit et le transmettre à des experts qui vont identifier. Avant on disait "oui, on a vu quelque chose de gros, c’est tout", car on ne savait rien dire. Maintenant, on peut vraiment beaucoup mieux identifier les animaux. Mais c’est vrai qu’il y a des espèces qui s’échouent qui ne s’échouaient pas auparavant. On a donc eu cette année-ci malheureusement plusieurs rorquals échoués en France. Et cette orque, que j’ai autopsiée fin mai, était vraiment tout à fait exceptionnelle" analyse l’expert.
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