"Il y a une certaine faiblesse des philosophes, de la philosophie en général - et de l’humanité -, à penser la guerre. En quelque sorte, on n’est pas à la hauteur de cette question douloureuse", admet Thomas Derns.
Son hypothèse est qu’on s’est trop concentré sur la question de l’ordre dans la communauté politique. On a fait de la philosophie politique et on n’a pas fait de la philosophie cosmopolitique, de la philosophie des relations internationales.
On a considéré que, hors de la cité, ce qui règne, c’est le chaos.
Le dehors, c’est la guerre en Ukraine, c’est la Méditerranée dans laquelle des gens meurent, sans même que l’on se souvienne de leur nom.
Faire du dehors une absence d’ordre, c’est justement se donner la possibilité de penser l’ordre du dedans.
On a donc laissé la guerre parfaitement impensée. On fait de la guerre un chaos, on pense qu’elle n’a pas de règles, de normes, de rythmes propres, qu’elle est désorganisation absolue. Ce qui est évidemment faux, la guerre est quelque chose d’extrêmement organisé, de très normé, rappelle Thomas Derns.
"Mais comment peut-on imaginer une pensée du dépassement de la guerre, de la paix, si on ne peut pas la bâtir sur les normes mêmes de la guerre, sur ce qui gère la guerre ?"
Thomas Derns a voulu, dans son livre, dénoncer cette étrangeté : la philosophie n’est pas à la hauteur de la guerre et donc ne peut pas bâtir non plus une pensée cosmopolitique, une pensée de la paix.