Les bourses ont connu un lundi noir. De Shangaï à Bruxelles, de Tokyo à New York, de nombreuses places ont, en une journée, perdu les gains accumulés en près d'une année.
Comme tout le monde, Philippe Ledent, économiste ING, s’interroge "sur les conséquences mondiales de ce ralentissement".
"Est-ce un reality check pour l’économie chinoise après l’euphorie, ou bien c’est beaucoup plus profond ?"
C’est que la plongée des bourses mondiales, entraînées par la dégringolade des marchés chinois, donne à l’hypothèse de la stagnation séculaire un crédit nouveau. Annoncée par quelques économistes de renom, et par l’anthropologue Paul Jorion, elle promet à l’économie mondiale une très durable absence d’investissements, donc de croissance, donc d’emploi.
Alors, krach boursier et/ou stagnation séculaire ?
"Oui, une perte de 5% en une journée pour les principales bourses mondiales, une perte de 8% à Shangaï cumulée aux pertes précédentes, c’est un krach, on va utiliser le mot", tranche Philippe Ledent, au micro de Matin Première ce mardi.
"Il ne faut pas paniquer comme le font les marchés"
"Mais la stagnation séculaire n’est pas une fatalité ", ajoute-t-il, évoquant en particulier la reprise, timide, de la croissance dans la zone euro constatée ces derniers mois. "Tout n’est pas tout à coup en quelques jours remis en cause, mais un nouveau choc négatif venant de la Chine, c’est tôt pour le développement de la reprise en zone euro. Je l’aurais préféré six mois plus tard. C’est un nouveau risque. Mais il ne faut pas paniquer comme le font les marchés boursiers. Il y a quand même une différence entre marché boursier et économie réelle." Car c’est bien à un phénomène de nature purement boursière que l’on assiste pour le moment. Avec ses causes et ses effets habituels.
La Chine a dopé ses bourses
D’abord parce que la détonation est venue de l’éclatement très classique d’une bulle, à Shangaï et dans toute la Chine. "Le marché a été dopé par les autorités chinoises, qui ont encouragé les Chinois à investir en bourse, pour développer une alternative au crédit, comme source de financement de l’investissement. La Chine a dopé ses bourses avec des effets de levier, dignes des années vingt aux Etats-Unis. En gros, la classe moyenne chinoise emprunte pour aller en bourse", explique Philippe Ledent.
Avec une croissance faible selon les standards asiatiques, c’est comme ça qu’une bulle gonfle. Fort. "En novembre 2014, le CSI 300, principal indice boursier chinois, était à 2500 points. Il a gonflé jusqu’à 5200 points en juin, dans un contexte ou l’économie chinoise était en train de ralentir. Aujourd’hui on est à 3100 points, il n’y a pas de raison que ça reste au-dessus du niveau de novembre 2014", pose-t-il.
Ensuite parce que le gonflement de la bulle, son explosion et puis sa contagion reposent sur deux effets, l’ignorance et la panique, ravageurs mais moyennement rationnels. "Au moment où les bourses ont commencé à plonger, tout le monde s’est interrogé, et les gens découvrent tout à coup que l’économie chinoise ralentit. C’est quand même la deuxième économie mondiale…" L’éclatement de la bulle chinoise renforce le pessimisme ambiant. "A côté de la Chine, il y a des incertitudes, sur les taux de la FED américaine, la santé de l’économie européenne, etc. Ce ralentissement chinois vient s’ajouter à ces questions sur la stagnation séculaire", ajoute encore Philippe Ledent, qui voit ainsi s’installer "une spirale de méfiance".
Jeu à somme nulle
Enfin parce que le thermomètre boursier révèle la maladie de l’économie mondiale, explique Philippe Ledent. "Tout le monde, tous les pays jouent au même jeu : je me relance en prenant des parts de marché aux autres. Le monde est un jeu à somme nulle. Mais au final, ce type de politique ne contribue pas à la création de valeur au niveau mondial."
Alors certes "la stagnation séculaire n’est pas une fatalité".
Mais on n’en est pas loin.