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Philippe Clement à Monaco, ou "l’art de flairer les bons coups" pour un entraîneur au parcours sans faute

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En quatre ans, Philippe Clement est passé du statut de timide entraîneur adjoint à entraîneur numéro un du football belge. Son irrésistible ascension s’est construite autour d’une logique : flairer les bons coups en ne laissant que des bons souvenirs derrière lui. Qualifié d’opportuniste par ses concurrents – le terme n’est d’ailleurs pas forcément péjoratif -, il n’a pratiquement connu que le succès au cours de sa jeune carrière. Avec en toile de fond un jeu positif et un appétit pour l’éclosion de jeunes. Un cocktail qui a fini par séduire en dehors des frontières belges, alors que les entraîneurs belges s'exportent peu.

Lorsqu’il franchit le pas de devenir entraîneur principal de Waasland-Beveren en 2017, Philippe Clement n’arrive pas en tant que novice. Pendant des années, il évolue dans l’ombre de Michel Preud’homme au Club Bruges pour emmagasiner tous les préceptes de l’ancien gardien belge. Lors de la dernière saison du ticket MPH-Clement au Stade Jan Breydel, le Liégeois avait même pris énormément de recul par rapport au terrain, laissant à son adjoint le soin de diriger les séances d’entraînement en semaine.

C’est donc un entraîneur déjà façonné qui commence sa carrière au Freethiel. Avec des résultats dépassant largement les attentes. Equipé de Morioka, Seck ou de Kiese Thelin, Clement produit un jeu décomplexé, offensif et attrayant, loin des poncifs réservés aux équipes de bas de classement. Alors qu’on lui prédisait assurément la lutte contre la relégation, le petit poucet de Waasland-Beveren occupe la septième place du classement à la mi-saison.

Moment choisi par Clement pour prendre la tangente : à Genk, son ancien club en tant que joueur, les nuages s’amoncellent autour d’Albert Stuivenberg. Le coach néerlandais a fait éclore une génération redoutable (Pozuelo, Malinovskyi, Maehle) mais peine à lui faire franchir un cap sur le plan des résultats. Après avoir refusé une offre de La Gantoise plus tôt dans la saison, Clement est sondé par la direction limbourgeoise et n’hésite pas longtemps. Un accord financier est trouvé pour dédommager Waasland-Beveren de ce chapardage en règle au beau milieu de la saison. Remercié, Stuivenberg laisse son siège à un entraîneur ravi : il n’aura qu’à se pencher pour récolter toutes les graines semées.

Un titre de champion et puis s’en va

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Le KRC Genk de 2018-2019 restera une équipe marquante de l’histoire de la Pro League. Sacrés après avoir dominé le championnat dans les grandes largeurs, les Limbourgeois de Clement épatent dans la qualité du jeu produit. Les joueurs qui performent à un niveau inespéré attirent les regards des clubs du monde entier. Pozuelo, Trossard, Malinovskyi et Aidoo réalisent de magnifiques transferts sortants et déforcent considérablement le noyau. Philippe Clement comprend qu’il a, une fois de plus, tiré le maximum de son groupe. Après seulement un an et demi, il ne peut résister à l’appel de son Club de cœur. Il quitte Genk par la grande porte, sans même disputer la Ligue des champions qui lui tendait pourtant les bras. Le voilà propulsé T1 de Bruges pour la saison suivante. C’est de là-bas qu’il assiste à la déliquescence de son ancien amour, qui patauge désormais avec un Felice Mazzu impuissant devant un effectif démobilisé. "Il est resté pendant un an et demi à Genk pour être champion mais il n’a pas continué pour jouer la Champions League", racontait Hein Vanhaezbrouck sur le plateau de La TribuneIl est opportuniste, il s’est dit 'le niveau va baisser, je m’en vais parce que Bruges va être la meilleure équipe la saison prochaine".

A Bruges pour poursuivre le travail de Leko

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Et c’est exactement ce qui s’est produit. A Bruges, Philippe Clement récupère un effectif affûté par la science tactique d’Ivan Leko, parti se refaire la cerise dans le Golfe pour oublier sa citation dans le dossier du Footballgate. Dès ses premiers matchs, il réussit l’improbable : parvenir à qualifier Bruges pour la Ligue des champions au terme de deux tours préliminaires. Pour la première fois en quatorze ans, la Belgique compte deux représentants en Ligue des champions, et c’est Clement qui en récolte tous les lauriers. Symboliquement, il devient "le premier entraîneur belge à qualifier deux équipes pour la même Ligue des champions." Sur cette lancée, il replace le FC Bruges sur le trône en Pro League. Il remporte deux titres consécutifs, bien aidé par une direction vorace qui compte faire de Bruges "le Bayern Munich de Belgique". En plus d'attirer de grands talents à coups de millions, Bruges fait désormais éclore de vrais produits maison : Charles De Ketelaere ou Noa Lang portent le sceau de l'entraîneur brugeois. Par ailleurs, les Blauw & Zwart surfent sur la mauvaise santé des concurrents directs (Standard et Anderlecht en tête) pour marteler encore plus leur toute-puissance. Avec des ressources financières largement supérieures aux autres, doté d’une large fan base en Flandre, en avance dans l’exploitation de son image notamment au travers des réseaux sociaux, le Club semble prendre un ascendant énorme durant la 'période Clement'. Mais l’écart est-il finalement aussi grand qu’espéré ?

Et voilà que Monaco déboule pour offrir un win-win-win inattendu.

Un premier coup de moins bien

Cette saison, Bruges patine. En championnat, les Blauw & Zwart contemplent, hagards, l’histoire folle de l’Union Saint-Gilloise. L’esprit sans doute trop occupé à la Ligue des champions, la bande à Clement laisse grandir l’écart avec la tête du classement en se laissant aller à d’inhabituelles contrariétés : une défaite 6-1 dans la Bataille des Flandres à La Gantoise, une autre dans le derby contre le Cercle (2-0) et une incapacité chronique à battre l’ennemi juré du Sporting d’Anderlecht. Pour la première fois de son histoire de coach, Clement connaît un coup d’arrêt. Quelques petites tensions intestines et un mercato estival globalement raté ont sensiblement affaibli le coach, dont on souffle qu’il n’était plus aussi sûr de sa place que par le passé. Et voilà que Monaco déboule, tel un deus ex machina, pour offrir un win-win-win inattendu. Pour Bruges, l’opportunité de trouver un nouveau coach afin d’insuffler un vent nouveau à un effectif engourdi. Pour Monaco, un coach moderne, au sens tactique aiguisé, capable d’offrir un jeu attrayant tout en faisant éclore les talents du cru. Pour Clement, une porte de sortie salutaire, pour laisser intacte sa réputation d’entraîneur numéro un en Belgique et s’ouvrir à l’international. L’art de flairer les bons coups.

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