Philippe Brasseur : "Les enfants sont nos premiers professeurs de créativité et de lâcher prise"

Ce confinement n’a été pas facile mais a été, en même temps, une chance immense d’être ensemble et d’en profiter au mieux. Comment en profiter mieux que dans le plaisir du jeu ?

La famille de Philippe Brasseur aime bien rigoler, dit-il ! Et il ne faut pas grand-chose pour s’amuser en fait. Le guide s’adresse autant aux petits, dès 2 ans, qu’aux grands enfants. L’enjeu c’est de créer du lien, de créer de la joie et de stimuler la créativité.

Parmi les activités très originales proposées :

• inverser les rôles parents/enfants
• faire un concert dans la cuisine
• dîner dans le noir
• dessiner un portrait de famille
• camper dans le salon
• observer la nature par ordre alphabétique
• créer un musée
• faire des tatouages
• dresser une tente berbère dans la maison, mettre de la musique marocaine et manger un tajine par terre, en puisant tous dans le même plat.
• faire un dîner sur le thème Dali.
• faire du photo remake : reproduire en vrai les situations de photos prises quand les enfants ou les parents étaient petits.
• photographier les pieds de chacun et essayer de reconnaître de qui il s’agit.

Ce sont des moments qui ne doivent pas être très fréquents mais qui créent de telles pierres blanches !

Autant d’idées inspirantes, gratifiantes et faciles à réaliser en peu de temps, qui stimuleront la créativité de chacun !

"Je crois que les enfants sont nos premiers professeurs de créativité et de lâcher prise. Le truc, c’est : est-ce qu’on les écoute, est-ce qu’on se laisse faire par leurs propositions ? Je crois aussi que, quand on leur dit non, une fois, deux fois, dix fois, ils vont comprendre qu’ils doivent s’occuper par eux-mêmes et qu’il y a des écrans pour ça. Dès lors qu’on répond à leurs demandes, la mécanique est en route et ils font des propositions dingues."
 

Philippe Brasseur puise les idées un peu partout. En partie dans sa propre expérience et ses enfants sont des bons enseignants. Ils inventent ensemble des activités : le jeu de dessin pour entrer en relation par exemple. Il parle aussi beaucoup avec des gens créatifs, il lit de nombreux livres, il ouvre ses yeux et ses oreilles pour alimenter les folies régulières de la famille !

Volontairement, il n’y a pas beaucoup d’indications, d’explications à suivre dans ses propositions d’activités. Il met une graine et ce sont les familles qui vont créer l’activité. C’est important qu’il y ait une appropriation.

"J’enseigne la créativité. Ça se conscientise. Une consigne qui stimule la créativité doit être à la fois cadrée, c’est-à-dire donner une indication, mais aussi ouverte. Il faut trouver le bon équilibre. Mais quand on dit, 'défilé moche', eh bien on a compris. Pas besoin de donner trente-six mille explications."

Le fait qu’il y ait peu de texte permet aussi à tout le monde de rentrer dedans, y compris les enfants. Le livre a été fait sous forme de chevalet, exprès, pour qu’il puisse se retrouver dans le salon, dans la cuisine : on l’affiche et on s’en inspire.
 

Le jeu des chatouilles, c’est une idée de sa femme qui pratique la biodanza. "On se touche beaucoup dans cette danse, et c’est très réparateur. C’est une autre façon de se dire je t’aime, dans le respect : celui qui ne veut pas jouer ne joue pas. Il n’y a pas à forcer l’enfant. Mais cette possibilité est offerte."

L’enjeu est que tout le monde dans la famille puisse jouer. L’adulte, en se prêtant à ces jeux, que ce soit les chatouilles, les défilés moches ou les dîners Dali, reconnaît que la créativité, la joie sont centrales dans la vie et qu’il faut les cultiver.

C’est un enjeu aussi pour les ados, poursuit Philippe Brasseur. "Si on n’y prend pas garde, les ados peuvent se replier sur eux-mêmes. Ce qui fait partie du processus : c’est important que l’adolescent se construise aussi en opposition à ses parents. Mais dans une relation bien équilibrée, il y a un peu des deux : il y a ces moments de solitude et de révolte et ces moments où on passe de bons moments ensemble."
 

Une activité consiste, en voiture, à couper la radio pendant le journal parlé et à poursuivre l’histoire, peu importe comment. "Alors on parle à la place de Macron et on se lance dans des délires. L’idée est de s’approprier le réel, de rester aux commandes, de redevenir acteur. La routine c’est le contraire, c’est quand on est en pilote automatique."

Alors prenons le temps de chasser la routine avec ce genre d’activités, qui ne prennent pas beaucoup de temps et qui ne nécessitent pas de matériel particulier. On peut créer avec n’importe quoi !

"Je crois dans la force de la contrainte. C’est parce qu’on n’a pas de matériel qu’on va vraiment être créatif. On va transgresser l’usage traditionnel des objets. C’est là que ça devient intéressant."

En fait, dans cette famille, c’est Philippe Brasseur et sa femme qui sont les enfants !

A Louvain-la-Neuve, près de l’endroit où je travaille, il y a une super phrase sur un mur : ils vécurent enfants et firent beaucoup d’heureux.