Week-end Première

Peut-on repérer un psychopathe uniquement par ses mouvements de tête ?

© Getty Images

Par RTBF La Première via

Un algorithme établit une corrélation entre psychopathie et rotation de la tête. Le scientifique Pasquale Nardone nous explique comment et pourquoi.

Un psychopathe est quelqu’un qui manque de remords, d’empathie, qui a un narcissisme développé, qui a tendance à mentir, à se sentir victime, qui est très arrogant, qui reproche tout à tous… En fait, des tas de gens répondent à ce genre de critères !

La difficulté, dans les maladies dites mentales ou de trouble de la personnalité, c’est le manque d’objectivation dans le diagnostic. On a tendance subjectivement à dire que quelqu’un est psychotique ou psychopathe, par exemple. Il est donc important d’essayer, chaque fois que l’on peut, de trouver des arguments objectivables.

C’est ce qui a été étudié par le Mind Research Network, de l’université du Nouveau Mexique, et publié récemment dans le Journal of Research and Personality. Ces scientifiques travaillent sur la communication non-verbale : clignements d’yeux, grimaces, … Leur dernière étude a consisté à analyser 507 détenus, des hommes entre 18 et 62 ans, déterminés psychopathes. Des personnes impulsives, agressives, à tendance meurtrière.

La tête plus rigide

Les chercheurs ont récemment analysé le mouvement de la tête, selon trois axes de rotation : vers l’avant et l’arrière, comme pour dire oui ; vers la gauche et la droite, comme pour dire non ; et un troisième axe de rotation, quand on penche la tête vers l’épaule droite ou vers la gauche.

Ils ont mis au point un algorithme pour déterminer les mouvements de tête de ces détenus. Ils ont constaté une forte corrélation entre le fait d’être psychopathe et une plus grande rigidité, une moins grande amplitude de mouvement de la tête chez ces personnes. Elles ont tendance à rester fixes face à la caméra, à regarder la personne qui les interpelle, alors que quelqu’un qui n’est pas diagnostiqué psychopathe a des mouvements de tête beaucoup plus amples.

Cette corrélation stricte mise en évidence par les scientifiques ne signifie évidemment pas cause à effet ! Une corrélation est indicative, c’est ce qu’on appelle une science spéculative. On va partir de ces corrélations pour chercher plus loin. Et soit elles ne veulent rien dire, auquel cas on va abandonner. Soit elles peuvent indiquer quelque chose, ce qui aidera la recherche.

Vers une justice prédictive ?

L’étape d’après, est-ce une justice prédictive, permettant de détecter, en fonction des mouvements de tête, qui serait psychopathe ?

C’est le gros problème des algorithmes, souligne Pasquale Nardone. Lorsqu’on dit intelligence artificielle, on camoufle le fait qu’on a simplement un algorithme. C’est déjà fortement utilisé en justice, pour la désengorger, surtout aux Etats-Unis : on met au point des calculs pour prévoir les récidives, le danger psychopathe, la dépression…

"Et donc, c’est un gros problème de type démocratique de savoir qui a écrit cet algorithme, quelles sont les bases mathématiques. Et sont-elles vérifiables et vérifiées ?"

Chaque fois qu’un scientifique publie un algorithme, cet algorithme doit être analysé et il faut lui mettre des guillemets pour son application en justice. Comme le détecteur de mensonges, comme la graphologie, ce sont des pistes indicatives, mais qui n’ont pas de caractère objectivable. Il faut donc, derrière, un ou une juge qui va émettre un avis judiciaire sur la personne.

Le progrès semble donc intéressant mais comme toujours, il faut se méfier des algorithmes, conclut Pasquale Nardone.
 

Retrouvez ici la séquence 'Pasquale Nardone ramène sa science'

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