Chaque semaine, Les Grenades scrutent les écrans et dégoupillent les sorties ciné. Cette semaine, Elli Mastorou vous parle de petites filles, du pouvoir des émotions contre les a priori, et démonte au passage quelques mythes sur la neutralité.
Elli
Je suis née en 1986, dans un autre pays que la Belgique. Ma mère, Despina, est journaliste, petite, brune et dynamique, et mon père Constantin est grand, brun, taciturne, et interprète. A l’époque, ils étaient tous les deux communistes – mais c’était OK, car la dictature dans le pays était finie.
Et puis un jour mon père a trouvé un travail en Belgique, alors mes parents ont pris leurs valises et leur bébé sous le bras, et un avion nous a amenés à Bruxelles. C’est là que mon frère est né, quelques années après. Je me souviens de ma chambre d’enfant remplie de poupées blondes qui s’appelaient Martine, Candy ou Barbie.
Je me souviens de la cour de l’école maternelle, des excursions scolaires, et du générique du Club Dorothée - où je cherchais en vain mon nom quand le générique défilait. Ma mère m’offrait des robes dignes de princesses Disney, et quand les grandes vacances arrivaient, on prenait l’avion qui volait au-dessus de la mer pour retrouver les grands-parents, heureux de nous gâter.
Bref, j’étais une petite fille comme beaucoup d’autres. Ma seule frustration était que parfois on avait du mal à comprendre mon prénom étranger, et je rêvais d’un joli prénom francophone, comme mes copines Marine, Emilie ou Alizée. A part ça, je n’ai que des souvenirs insouciants – bref, une enfance heureuse, pour le dire simplement.
Avec des parents qui faisaient leur possible pour nous garder le plus longtemps possible, mon frère et moi, à l’abri des dangers du monde. Et à l’époque, j’imaginais que tous les enfants autour de moi avaient cette vie-là.
Sasha
Sasha est née autour de 2010 dans le Nord de la France. Sa maman s’appelle Karine, elle a les cheveux courts et blonds, et son papa est un grand monsieur au regard amène. Elle a deux frères, et une grande sœur. Sasha a les cheveux bruns coupés au carré, elle aime les paillettes, les robes de princesse, et elle parle d’un air enjoué. Elle me rappelle la gamine que j’étais.
Dans " Petite fille " de Sébastien Lifshitz, la caméra suit Sasha de près, des moments d’intimité dans sa chambre aux batailles de boules de neige en famille. Elle capture des moments légers, mais aussi les moments délicats, quand on lui parle de l’école et que les yeux de Sasha s’emplissent de larmes. Parce que Sasha est née dans un corps de garçon, et ça, en dehors de sa famille, certains, comme le directeur de son école, ne l’acceptent pas.
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Le film raconte également le combat et l’inquiétude de sa maman, ses doutes, sa culpabilité, et comment elle essaye, elle aussi, de protéger sa fille des dangers du monde. Entre les rendez-vous pédo-psy, la vie quotidienne et les entretiens face caméra, le film brosse un portrait délicat de Sasha et sa famille soudée. On en ressort avec davantage de compréhension sur la transidentité, mais aussi, surtout, beaucoup, avec le cœur gonflé d’émotion.