Quatre personnes ont été interpellées ce mardi matin dans des habitations de Beerse, Kapellen et Rijkevorsel, dans la province d’Anvers. Le parquet d’Anvers a expliqué que ces fouilles domiciliaires ont été réalisées dans le cadre d’une enquête sur l’utilisation prohibée d’un vaccin contre un virus touchant les tomates.
Le virus ? A moins d’être dans le domaine horticole ou phytosanitaire plus précisément, vous n’en avez sans doute jamais entendu parler. Il s’agit du "virus du fruit rugueux brun de la tomate". En anglais, le "Tomato Brown Rugose Fruit Virus", d’où son abréviation, le ToBRFV. Ce virus végétal très contagieux ne touche pas l’humain, mais certains végétaux, et en particulier les tomates, et parfois les poivrons et les piments.
Un virus récent
Permettez-nous donc de l’appeler ToBRFV, ce virus relativement récent dans la culture des tomates. D’après cette note de l’Afsca, l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire, il a été signalé pour la première fois en 2014 en Israël et en Jordanie. Fin 2018, il a aussi été découvert en Europe : en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas et en Grèce.
"C’est un nouveau virus", confirme Sébastien Massart, professeur à la Faculté de Gembloux-Agrobiotech (ULiège). "Ce virus n’existait pas avant. Il y a eu une première rencontre entre ce virus qui venait d’une plante sauvage et la tomate, à ce moment-là. Il a tout de suite inquiété les scientifiques, parce qu’il a un potentiel de contamination très important. Malgré les mesures qui ont été prises, il s’est disséminé un peu partout dans le monde."
Entre-temps, "la liste des pays contaminés ne cesse de s’allonger", dit l’Afsca, qui précise que ce sont souvent des lots de semences de tomates utilisés provenant de pays tiers qui s’avèrent contaminés, et que la Belgique a déjà reçu des notifications selon lesquelles des semences potentiellement contaminées et des végétaux cultivés au départ de ces semences ont été livrés chez nous. Lorsque de telles notifications sont effectuées, des mesures sont immédiatement prises.
Très transmissible… chez les tomates
Les tomates infectées voient se former des sortes de mosaïques sur les jeunes feuilles de leurs plans ou des taches apparaître sur les fruits, ce qui les rend invendables. Ce virus est très transmissible de tomates en tomates et comporte un risque de propagation très élevé. "Il peut se transmettre par contact", précise le professeur Massart. "Un cageot de tomates sur lequel il y a une tomate contaminée peut ensuite contaminer d’autres endroits parce que le virus reste très longtemps sur des surfaces."
Pas de vaccin autorisé
A ce jour, aucun vaccin contre le virus du fruit rugueux brun de la tomate n’est homologué. L’utilisation d’un vaccin par des méthodes non encore autorisées (comme l’isolat de virus faible) est strictement interdite. Cela contrevient aux mesures phytosanitaires d’urgence contre ce virus et à la législation sur la vente de produits phytopharmaceutiques.
"L’utilisation de vaccins chez les plantes est soumise à des autorisations légales", explique l’expert en phytopathologie. "Ce sont des produits phytopharmaceutiques d’origine biologique. Ils doivent suivre tout une série de règles pour être autorisés. C’est très important pour garantir l’efficacité du produit, sa stabilité au cours du temps et l’absence d’effet néfaste pour l’environnement ou pour d’autres plantes. Sur le long terme, il faut s’assurer pour un vaccin que la souche utilisée ne va pas muter et devenir agressive et poser un problème pour les plants de tomates."
Inoculation illégale ?
La ferme de Rijkevorsel est soupçonnée d’avoir inoculé délibérément le virus à ses plants de tomates afin de les rendre résistants à la maladie. Le vaccin contiendrait un variant bénin de la maladie. Mais l’Union européenne applique une tolérance zéro au sujet de ce virus, rendant illégale la pratique découverte par la police. Des inspecteurs de l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca) étaient également présents lors des perquisitions. "Ils ont souligné que ce virus s’attaquait uniquement à certaines espèces végétales et pas à l’homme", précise le parquet. Les agents ont également mis la main sur d’importantes sommes d’argent pendant les différentes fouilles. Le parquet confirme, par ailleurs, qu’une enquête est également en cours aux Pays-Bas pour les mêmes agissements dans des entreprises spécialisées dans la culture de tomates.