Santé & Bien-être

Pénurie d’orthodontistes : les patients contraints d’attendre entre six mois et deux ans pour un rendez-vous

© RTBF

Comptez plusieurs mois au minimum pour obtenir un rendez-vous chez un orthodontiste. Une situation qui va s’aggraver dans les prochaines années tant la pénurie de ces spécialistes est de plus en plus importante. Entre le quota imposé par la Fédération Wallonie-Bruxelles et la longue formation, le nombre d’étudiants qui entament des études en orthodontie diminue. Conséquence, les listes d’attente de ces spécialistes s’allongent inexorablement. Pourtant, de nombreux patients requièrent des soins urgents.

Cette situation est délétère pour le patient, parce que l’on doit traiter les petits patients en pleine croissance

Près de quatre adolescents sur dix ont besoin de consulter un orthodontiste. À cela s’ajoutent de plus en plus des adultes qui font appel à ces praticiens pour corriger leur dentition. Si l‘augmentation de la demande d’intervention a explosé ces dernières années, elle ne s’est pas arrangée depuis la sortie de la crise sanitaire. Autant dire que la pénurie d’orthodontiste se fait remarquer par de longs délais d’attente pour obtenir un rendez-vous.

Dans son cabinet situé à Bruxelles, Claudine Gilkens nous fait part de ce constat et des répercussions sur les plus jeunes patients : "Je constate clairement qu’on manque de praticiens en Belgique. Une situation qui s’est aggravée sur les cinq, dix dernières années. La liste d’attente est au moins sur 6 mois. Là, c’est parce que je suis à Bruxelles où il y a beaucoup d’orthodontistes. Mais il y a des endroits dans le pays où il y en a très peu. Et le délai pour un rendez-vous, c’est parfois un an, voire un an et demi. Cette situation est vraiment délétère pour le patient, parce que l’on doit traiter les petits patients en pleine croissance. Donc si on a un an et demi d’attente et que le pic de croissance est passé, les traitements deviennent soit chirurgicaux, soit beaucoup plus compliqués avec des auxiliaires, etc. Ce délai d’attente n’est donc pas anodin. "

© RTBF

Une pénurie à l’origine de dérives et de complications

En cas de soins urgents, ces délais d’attente sont donc interminables pour les jeunes et moins jeunes patients qui se tournent alors vers les dentistes généralistes qui ont le droit de poser des actes d’orthodontie. Cela n’est pas sans conséquence s’ils ne sont pas suffisamment formés.

Si Claudine Gilkens reconnaît que certains se sont consciencieusement bien formés, elle a de plus en plus de patients qui viennent dans son cabinet pour se faire corriger d’un travail mal réalisé faute de formation : "À côté de ceux qui ont une grande expérience, il y a des confrères dentistes qui font de l’orthodontie, surtout dans des endroits où il n’y a pas beaucoup de spécialistes. Malheureusement, ils n’ont pas du tout eu cette formation et qui ne connaissent pas suffisamment les problèmes de l’orthodontie. Ce qui peut quand même entraîner des dégâts."

Oui, cela peut vraiment être dramatique

Cette spécialiste nous relate les conséquences de cette dérive : "Je vois arriver dans mon cabinet énormément de patients d’autres dentistes qui ont collé des petites plaquettes. Qui ont mis un fil qui est en général le même pendant 2 ans à peu près, alors qu’on a passé le pic de croissance de l’enfant. Ce qui a comme conséquence une perte de chance énorme de récupérer. Il y a un état parodontal qui s’est considérablement détérioré. Je vois aussi des dents qu’on n’aurait pas dû bouger comme ça. Ou des cas où il ne fallait surtout pas faire d’extraction enfin. Oui, cela peut vraiment être dramatique."

Un quota fixé à seulement sept diplômés par an en Fédération Wallonie – Bruxelles.
Un quota fixé à seulement sept diplômés par an en Fédération Wallonie – Bruxelles. © RTBF

Une pénurie, des candidats, mais un quota

Face à cette raréfaction de spécialistes et l’augmentation de la demande, l’Union francophone des orthodontistes de Belgique a alerté les autorités pour accepter plus de candidats dans les universités. En effet, la Fédération Wallonie-Bruxelles a fixé un quota de seulement sept diplômés en orthodontie par an. C’est sans compter sur le fait qu’après un cursus de cinq ans en dentisterie, le candidat doit suivre une formation de quatre ans pour se spécialiser. Soit neuf ans au total.

Annick Bruwier, chargée de cours au département des sciences dentaires à l’ULiège, explique que le quota pourrait être revu tant que les structures d’accueil et l’accompagnement sont adaptés à la forte demande : "On a beaucoup de candidats de très grandes qualités qui sont très intéressés par cette discipline et qui se présente au concours tous les mois de juin. C’est dommage de les laisser sur le carreau. On pourrait effectivement doubler le contingentement. On l’a déjà fait depuis 2012, car on a maintenant deux orthodontistes qui sortent de l’université de Liège par an. Mais c’est vrai que si on doublait encore ce chiffre, je pense qu’il y aurait effectivement plus de candidats. D’un autre côté, on n’a pas en ce moment la place pour accueillir plus de huit étudiants à cause des fauteuils disponibles."

Je pense que ce quota peut évoluer dans le bon sens

Annick Bruwier ajoute que "c’est la Fédération Wallonie-Bruxelles qui a fixé ce quota de sept diplômés pour l’ensemble des universités francophones. On pourrait augmenter ce nombre, si on montre avec un dossier complet qu’on a plus de places. Mais aussi des encadrants, qu’on a parfois du mal à recruter, pour accompagner les candidats. Je pense que ce quota peut évoluer dans le bon sens."

L’Union francophone des orthodontistes de Belgique espère des changements notamment en termes d’accès à la formation. D’autant plus que cette pénurie devrait empirer dans les dix prochaines années car un spécialiste sur trois partira à la retraite.

Inscrivez-vous à la newsletter Tendance

Mode, beauté, recettes, trucs et astuces au menu de la newsletter hebdomadaire du site Tendance de la RTBF.

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous