"On engage d’un côté deux infirmiers, on en perd cinq de l’autre", résumait lundi soir Arnaud Bruyneel dans QR. Le même Arnaud Bruyneel, dans un article relayé ici, expliquait que, bien que le nombre d’infirmiers diplômés par habitant soit très élevé, le nombre d’infirmiers actifs était très bas "car la majorité des infirmiers travaillent 5 à 10 ans puis changent de carrière, d’orientation professionnelle". "La Belgique possède un ratio infirmier par patient qui est l’un des plus défavorables en Europe", ajoutait Arnaud Bruyneel. "La preuve, c’est qu’on ferme des lits d’hôpitaux par manque de soignants", poursuivait-il.
Pourquoi les infirmiers et infirmières changent-ils de profession ? La charge de travail est souvent citée comme principale raison et le Covid n’a rien arrangé, les patients Covid nécessitant plus de soins.
En janvier 2020, le KCE, le centre fédéral d’expertise des soins de santé, avait mené une enquête auprès de 5000 infirmiers issus de 84 hôpitaux en Belgique. Comme il l’avait déjà fait 10 ans plus tôt, le KCE concluait déjà que le quota maximum de patients par infirmier en Belgique était trop élevé par rapport à la norme internationale. Concrètement, l’étude révélait que les infirmiers qui travaillent dans les hôpitaux belges s’occupent en moyenne de 9,4 patients alors que l’on admet généralement, à l’échelon international, que la sécurité du patient n’est plus assurée au-delà de huit patients par infirmier.
Cette charge de travail induit des risques de burn-out chez les infirmiers. Selon Arnaud Bruyneel, cité par Opalsolutions, "on avait avant la crise (Covid) une prévalence de risque du burn-out qui était aux alentours de 36%"." En avril 2020, Pierre Smith (doctorant UCL) et moi-même avons réalisé une étude auprès de 4500 infirmiers francophones. Nous avons constaté que cette prévalence est passée à 70%. On pourrait dire que ce chiffre a doublé à cause de la pandémie", poursuivait Arnaud Bruyneel. Cela ne veut pas dire que 70% des infirmiers sont ou seront en burn-out, mais qu’ils courent le risque d’être dans cette situation.
►►► "On n’en serait pas là si le gouvernement n’avait pas désinvesti dans les soins de santé !" Vrai ou faux ?
Ce contexte lié aux conditions de travail contribue à expliquer la pénurie d’infirmiers et d’infirmières. Des personnes quittent clairement la profession. D’autres diminuent leur temps de travail.
On a déjà expliqué plus haut qu’au bout de 5 à 10 ans, des infirmiers changeaient de secteur d’activité.
On constate aussi que le travail à temps partiel est très fréquent dans le secteur de la santé : 47% des personnes occupées dans ce secteur travaillent à temps partiel contre seulement 22% dans les autres secteurs, selon Statbel. Cela peut s’expliquer par plusieurs facteurs. Le fait que le personnel infirmier soit très majoritairement féminin y contribue.
Comme dans quasi tous les secteurs, ce sont souvent les femmes qui optent pour des temps partiel, notamment pour s’occuper des enfants. Ce facteur d’explication est renforcé par un autre, le personnel de soins a plus souvent des enfants que celui d’autres secteurs, selon Statbel. "23% des personnes âgées de 25 à 49 ans occupées dans le secteur de la santé ont un enfant de moins de 15 ans, 25% ont 2 enfants", relève Statbel.
Les horaires sont atypiques accentuent la pression sur le personnel soignant et pousse au changement. Dans le personnel soignant, 37% des gens travaillent le dimanche (20% dans les autres secteurs), 44% travaillent le samedi (36% dans les autres secteurs), 39% travaillent le soir (34% dans les autres secteurs) et 18% travaillent la nuit (11% dans les autres secteurs).