Avec la guerre en Ukraine, le blé vient à manquer, et cela fait craindre le risque d’une pénurie dans plusieurs régions du monde. La Russie est le premier exportateur mondial de blé, et l’Ukraine en est le cinquième. À eux deux, ils représentent un quart du commerce mondial.
Ruée sur la farine et la semoule : depuis le début de la guerre, ces deux pays fournisseurs de blé du Maghreb, les prix de ces produits connaissent dans la région une flambée accentuée par une frénésie d’achats pour le ramadan.
Dans un supermarché de l’Ariana, au nord de Tunis, pas un sachet de farine ni de semoule sur les étagères, et seulement trois paquets de sucre derrière l’étiquette : "SVP pas plus de 1 kg".
Augmentation de 700%
Cette frénésie, avec une consommation journalière de semoule qui "a bondi de 700%", celle de sucre qui a triplé, vient du fait qu’en temps de crise, le Tunisien achète plus pour stocker, selon le représentant des propriétaires de supermarchés Hédi Baccour.
La Tunisie assure avoir des stocks pour deux mois, et les produits de base (café, sucre, pâtes, semoule) sont largement subventionnés, avec un prix de la baguette inamovible depuis 10 ans à 6 centimes d’euro.
Ce système, destiné à éviter des émeutes du pain comme dans les années 80, des émeutes qui ont fait une dizaine de morts, existe aussi en Algérie qui veut le supprimer mais ne l’a pas encore démantelé.
A Tizi Ouzou et Bejaïa, en Kabylie, les réserves de semoule ont été récemment dévalisées, provoquant une pénurie. "La guerre en Ukraine et tous les dépôts de semoule pris d’assaut !", déplore sur Facebook, Mouh Benameur, un habitant de Mechtras.
Dans des pays comme la Tunisie, qui était déjà touchée par la pénurie de blé bien avant la guerre en Ukraine, tout s’accentue et s’accélère.
Hausse des prix
Pour le céréalier et responsable syndical Bassem Mastiri, interrogé par notre correspondant Mathieu Galtier, la politique de subvention étatique est en partie responsable de la pénurie, que la guerre en Ukraine ne fait qu’accentuer, car la farine est souvent détournée : "Elle passe de farine à consommation humaine à un usage d’alimentation animale, parce que justement les prix d’autres céréales et d’autres aliments de bétail ont dépassé le prix de la farine subventionnée", explique-t-il.
En réalité, dans tout le Maghreb, les prix alimentaires grimpaient bien avant l’invasion russe en Ukraine. Cela s’explique "par la reprise inattendue dans le monde (après la récession provoquée par le Covid-19, ndlr) qui s’est traduite par une hausse du prix des céréales et des produits pétroliers sur le marché international", rappelle Fouzi Lekjaa, ministre délégué au Budget au Maroc.