Tendances Première

Pédagogie : comment lâcher-prise sur les devoirs scolaires ?

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On a l’impression que le lâcher-prise en éducation, c’est facile, qu’il suffit de se ficher de tout, de ne plus se tracasser pour rien. Mais en fait, c’est une démarche assez compliquée. Explications avec Bruno Humbeeck, psychopédagogue à l’UMons.

En pédagogie, pour comprendre d’où vient une idée, il faut appeler la mère, la psychologie, et même convoquer la grand-mère, la philosophie, nous dit le psychopédagogue Bruno Humbeeck. Le lâcher-prise en éducation n’est effectivement pas une idée nouvelle. On en a toujours parlé. Il est intéressant de considérer les philosophies sous-jacentes, parce que le même lâcher-prise apparent va avoir des racines différentes, produire des résultats différents et créer des relations différentes.

Bruno Humbeeck évoque bien sûr la philosophie orientale de Confucius (c’est le ciel qui décidera), celle des moines tibétains (il faut chercher la voie médiane), ou encore de la pensée hindoue (la pleine conscience).

Le lâcher-prise des Stoïciens

Mais pour nous, Européens, il est plus facile de se référer à la vision du lâcher-prise que les Stoïciens ont développée. C’est-à-dire : aie le courage de faire ce sur quoi tu as une possibilité d’agir, aie la force d’accepter ce sur quoi tu n’as pas la possibilité d’agir, aie la sagesse de discriminer l’un de l’autre.

"Cela veut dire que, pour un devoir scolaire, ce sur quoi je peux agir, c’est ma volonté à moi : je me mets à disposition de mon enfant pendant 25 minutes. Ce sur quoi je peux agir aussi, c’est le temps que je vais consacrer aux devoirs, ce ne sera pas plus de 25 minutes ensemble. Ce sur quoi je peux agir, c’est aussi le niveau d’explication que je suis en mesure de donner en tant que parent à mon enfant.

Ce sur quoi je ne peux pas agir, c’est la volonté de l’enfant, c’est la difficulté plus ou moins grande du devoir et c’est le temps que l’enseignant a considéré comme étant celui qui est nécessaire pour arriver au bout du devoir."

Tout le monde y gagne !

En maîtrisant le temps consacré au devoir, le rôle de parent est juste de mettre l’enfant en situation de réaliser son devoir. Cela consiste à supprimer toutes les autres stimulations et à faire en sorte qu’il aille le plus loin possible dans ses devoirs.

"Cette attitude par rapport aux devoirs peut bien fonctionner pour autant qu’on ait mis l’école au courant et qu’on adopte la même attitude stoïcienne, qui consiste à dire qu’un devoir dure un temps déterminé. On consacre son attention et on fait en sorte que son enfant soit attentif pendant ce temps-là et il va le plus loin possible, même s’il ne va pas jusqu’au bout du devoir."

Tout le monde y gagne. Le parent ne s’énerve plus. L’enfant n’est pas confronté à un parent qui s’énerve. Et l’enseignant arrête de corriger des devoirs qui sont contaminés par la présence des parents, il corrige des devoirs qui permettent de vérifier où est le niveau de compétence de l’enfant.

Le lâcher-prise stoïcien, pour autant qu’il soit concerté, est sans doute ce qui nous est le plus accessible.

Et il faut éviter ce qu’on voit souvent en pédagogie positive, poursuit Bruno Humbeeck, la psychologie de comptoir qui dit : le lâcher-prise, c’est facile, il suffit de ne rien faire.

"On va encourager ainsi une forme de négligence, remettre au lendemain ce qu’on devra de toute façon faire, et ce n’est pas la meilleure façon d’organiser son lâcher-prise. C’est pour cela qu’on a tous intérêt à connaître dans quelle mesure on choisit une forme de lâcher-prise par rapport à l’autre."

Le mot 'devoir' est une obligation

Pourquoi est-il si compliqué pour les parents et les enfants de tomber sur un commun accord par rapport aux devoirs ?

"Parce que le mot 'devoir' le dit. Le mot 'devoir' est une obligation. C’est pour cela que le lâcher-prise s’éprouve à l’aune des devoirs. Parce que c’est une façon de 's’obliger' les uns les autres. D’obliger l’enfant à des répétitions, à, en principe, entraîner des compétences acquises, pas à en acquérir de nouvelles ! Et tout le problème est là : une mécompréhension et parfois un dialogue de sourds entre l’école et la famille. […]"

Il est important que le parent ne se transforme pas en enseignant, qui va s’énerver là où l’enseignant ne s’énerve pas. Car en s’énervant, il va faire de la contre-pédagogie. C’est pour cela que le lâcher-prise est utile par rapport aux devoirs.

Découvrez-en davantage ici sur les autres formes de lâcher-prise évoquées par Bruno Humbeeck

Tendances Première : Les Tribus

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