Pays-Bas: une tradition de tolérance bousculée par la montée du populisme

Elections NL : Comment expliquer le succès de Wilders ?

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"Nous sommes arrivés devant le petit café de Bet van Beeren qui est très connu à Amsterdam et un symbole de la tolérance déjà dans les années 60-70 pour les personnes lesbiennes et les homosexuels". Wilma van Asseldonk est historienne et guide touristique pour la société ARTTRA. Elle organise des visites d’Amsterdam un peu particulières. Son fil rouge: la tolérance des Pays-Bas. Deuxième escale devant le premier coffee-shop d'Amsterdam, créé en 1975: "Les Pays-Bas, c'est le premier pays qui a vu l'apparition des coffee-shops. C'est un pays tolérant. C'est dans notre histoire, dans notre génétique, je crois".

Premier coffee shop d'Amsterdam
Premier coffee shop d'Amsterdam © Tous droits réservés

"Notre culture est en train de s'effriter"

Les Pays-Bas, terre de tolérance et d’ouverture ? Ces dernières années pourtant, on assiste à une montée du populisme. Ce 15 mars, le PVV, le parti de Geert Wilders pourrait bien remporter les élections. A Volendam, petite ville de 22 000 habitants, au nord d’Amsterdam, 26% des électeurs ont voté pour Geert Wilders, lors des provinciales de 2015. Ici, très peu d’étrangers dans les rues, pourtant, ils ne sont pas les bienvenus, comme l'explique ce pêcheur: "Il faut moins de Marocains ! Il y en a beaucoup trop. Ils ne travaillent pas, ils ne savent que foutre le bazar". Un peu plus loin, dans le centre-ville, cet habitant pense que "la tolérance est allée trop loin".

Dans le musée de Volendam, on s’accroche aux traditions : les Pays-Bas authentiques. Thoon Bond, volontaire au Musée, se sent menacé: "Notre culture est en train de s’effriter avec l’afflux de migrants, qui ont une autre culture. Nous voulons conserver notre culture. Et c’est ce que veut Geert Wilders."

Koen Damhuis, chercheur en sciences politiques à l'Institut européen de Florence
Volendam, au Nord-ouest d'Amsterdam

Un sentiment d'injustice qui renforce le PVV

Un repli sur soit étonnant, alors que les Pays-Bas vont plutôt bien. Le bilan du gouvernement sortant est même excellent. La croissance du pays est de 2 %. Les finances sont à l’équilibre, on approche du plein emploi, mais paradoxalement, ces données trouvent très peu d’écho auprès d’une partie de l’électorat. Koen Damhuis est chercheur en sciences politiques, il a rencontré des dizaines d’électeurs de Geert Wilders. Croissance économique ou pas, le Néerlandais rouspète. C’est dans l’air du temps: "Les électeurs ont un fort sentiment d’injustice, l’idée qu'il y a des migrants, ou des travailleurs de l’Europe de l’Est qui sont privilégiés par rapport à eux. Les migrants sont vus comme une menace".

Un sentiment d’injustice bien présent ici. Nous sommes à Rucphen, autre fief de Geert Wilders, au sud des Pays-Bas. Ici, on n’est pas forcément contre les étrangers, mais contre la façon dont le monde politique gère la politique migratoire. "La politique d’intégration aux Pays-Bas, c’est un peu n’importe quoi. On fait des économies partout, alors qu’on dépense plein d’argent pour l’intégration". Miranda et son compagnon, déguisé en Elvis, surenchérissent: "On n’aide pas les gens dans les homes qui doivent tout payer eux-mêmes. Les migrants, ils débarquent ici : ils reçoivent une maison, ils reçoivent une formation. Je ne trouve pas ça juste ! "

Miranda et son compagnon, électeurs du PVV
Miranda et son compagnon, électeurs du PVV © Tous droits réservés

Mais qu’est-ce qui explique une telle frustration ? Pour André Krouwel, politologue à l'Université Libre d'Amsterdam, le principal problème, c’est l’incertitude: "Avant, les partis traditionnels se portaient garants de la sécurité sociale, les pensions, les allocations de chômage. Tout ça, c’est fini ! Les gens ont le sentiment qu’ils ne sont plus protégés. Et ils cherchent protection auprès d’autres partis. Certains partis affirment qu’ils peuvent leur offrir : c’est très attirant pour les électeurs qui se sentent vulnérables".

Le PVV, défenseur des droits des homosexuels?

Dans son discours anti-islam, Geert Wilders fait feu de tout bois. Il se pose en défenseurs des droits des homosexuels qui, selon lui, sont menacés par l’islam. Un discours qui fait bondir Laurent Chambon. Il est Français, professeur de sciences sociales et homosexuel: "C’est assez marrant de voir que l’extrême-droite qui utilise les homos pour taper sur les Musulmans parce que les homos, ils ont du se battre au centre et à gauche pour avoir l’égalité. On voit que c’est juste pour taper sur les Musulmans, s’il avait autre chose, il l’utiliserait. Il a ça sous la main, il fait comme il peut". 

Laurent Chambon, professeur de sciences sociales et défenseur des droits des minorités

Dans ce bar gay d’Amsterdam, en tout cas, on ne se sent pas vraiment menacé par l’Islam: "Je ne le ressens pas vraiment, non. L’Islam ne représente pas une menace ? Non, l’islam, sûrement pas. "Je ne suis pas sûr que Geert Wilders est sérieusement intéressé dans la minorité homosexuelle". Il faut être intolérant pour protéger notre tolérance. C’est un peu le credo de Geert Wilders. Une contradiction qui semble tout de même trouver un écho chez plus d’un électeur sur 6 aux Pays-Bas.

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