Des enjeux éthiques
Plus loin, une douce mélopée emplit la verrière du dôme. Monotone et semblant réciter un texte, la voix robotique sort d'une étrange bouche en silicone qui bouge toute seule. "Ce qu'on est en train d'entendre, c'est une prière" explique la commissaire, "Cette machine a été nourrie avec toutes les prières du monde, des prières protestantes, bouddhistes, catholiques etc. On lui a expliqué que c'étaient des prières et demandé de créer les siennes sur base de ce qu'elle a compris qu'était une prière. Parfois elle parle, parfois elle se met à chanter des louanges. C'est un peu une machine qui s'invente son propre dieu avec l'intelligence artificielle".
Tout aussi étonnante, une vidéo tourne en boucle. Xi Jinping, Donald Trump, Vladimir Poutine mais aussi des hauts responsables religieux chantent en chœur "Imagine" de John Lennon. Les puissants rassemblés pour célébrer ensemble la paix retrouvée dans le monde... Vraiment ? "C'est un deepfake, c'est une technique vidéo qui permet d'incruster facilement des visages sur des corps et de leur faire dire ce qu'ils n'ont pas dit… L'objectif de cette œuvre c'est de montrer qu'il faut faire attention, ici, c'est plutôt comique mais imaginez que cette technique soit récupérée par des personnes mal intentionnées !"
Car s'il n'y aurait aucune raison de surestimer l'intelligence artificielle et de craindre les machines aujourd'hui, il n'en irait pas de même des humains et surtout des entreprises qui les contrôlent. "Il n'y a pas de raison de craindre un scénario à la Terminator ou à la Matrix, par contre il y a de quoi s'inquiéter sur la façon dont les humains construisent ces algorithmes parce que ces machines sont le reflet de notre société, avance Marie Du Chastel, "Si par exemple des humains racistes construisent des algorithmes qui sont le reflet de leur discrimination, là on a un problème. Dans cette expo, on va voir que ces questions d'éthique ne sont pas souvent abordées par les sociétés technologiques. Il va falloir que les scientifiques et les artistes dénoncent ces pratiques pour que ça change et que les GAFAM (ndlr: Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) commencent à réfléchir à leur pratiques. Ces entreprises en savent plus sur vous que votre propre mère notamment grâce aux algorithmes et il faut absolument faire de l'éducation envers le grand public sur les dangers que peuvent faire peser ces technologies sur nos sociétés."