Après la cérémonie de remise de la dépouille de Patrice Emery Lumumba, au Palais d’Egmont, Patrick Muyaya, le ministre Congolais de la Communication et des médias, porte-parole du gouvernement a commenté en exclusivité pour la RTBF, plusieurs sujets d’actualité.
Pour lui, "la date du 20 juin 2022 restera dans les annales de l’Histoire de la République démocratique du Congo, comme celle de la Belgique et de l’Histoire commune entre les deux pays".
Cette cérémonie solennelle, chargée d’émotions, s’est déroulée en comité restreint, en présence du Premier ministre Alexander De Croo et de son homologue congolais, Jean-Michel Sama Lukonde ainsi qu’une délégation restreinte, belge et congolaise. Le chef du gouvernement congolais a dû remplacer le président Félix Tshisekedi, retenu par les conflits à l’Est de la République démocratique du Congo.
Un discours courageux, car ce n’est pas évident de reconnaitre sa responsabilité
Comment le gouvernement congolais a-t-il reçu le discours d’Alexander De Croo ? "C’était un discours courageux, car ce n’est pas toujours évident de reconnaitre sa responsabilité. C’est la preuve qu’il y a une réelle volonté politique. Le Premier ministre Belge n’est pas lié à ces événements historiques. C’est le travail des nouvelles générations de regarder ce passé de manière froide, pour s’assurer que cela ne se reproduira jamais. Le plus important maintenant, c’est cet engagement de part et d’autre, pour construire une nouvelle relation entre nos deux pays. L’événement du 20 juin, nous le vivons comme la suite de la visite du Roi Philippe en RDC (du 7 au 13 juin, ndlr)".
Et d’ajouter : "La Belgique a commencé à effectuer son travail de mémoire mais ce n’est pas fini, on attend les conclusions de la Commission parlementaire".
Une Commission spéciale est "chargée d’examiner le passé colonial de la Belgique". La question d’éventuelles réparations, y compris liées à l’assassinat de Lumumba, est en débat à la Chambre. Un projet de loi proposé par le Secrétaire d'Etat Thomas Dermine (PS), pour la restitution des œuvres pillées pendant le Congo indépendant (1885-1908) et la période coloniale (1908-1960) a été adopté en commission de la Chambre. Il sera à l'ordre du jour d'une séance plénière.
Le parquet fédéral est chargé aussi d’enquêter sur d’éventuelles responsabilités belges dans l’assassinat de Patrice Lumumba au Katanga, le 17 janvier 1961. La famille Lumumba avait déposé plainte en 2011, contre X et contre dix personnalités belges, pour "crimes de guerre", "torture" et "traitement inhumain". L’Etat belge est visé.
Devoir de mémoire en RDC
Le travail de mémoire sera-t-il aussi effectué du côté congolais ? "Evidemment, le travail de mémoire doit être fait de part et d’autre, y compris chez nous", reconnait Patrick Muyaya. "L’Histoire doit être écrite et dite comme elle s’est passée, en établissant la responsabilité des uns et des autres".
Ce sont les autorités du Katanga sécessionniste, avec à sa tête Moïse Tshombe, qui ont ordonné l’assassinat de Lumumba le 17 janvier 1961. D’aucuns n’oublient aussi, qu’avant de devenir l’opposant historique à la tête de l’UDPS, Etienne Tshisekedi, le père de l'actuel Président Félix Tshisekedi, a joué un rôle dans l’anti-Lumumbisme. "Le travail des enquêteurs et des historiens doit évaluer la responsabilité des uns et des autres", affirme le porte-parole du gouvernement congolais. "Sans oublier que Lumumba évoluait dans un contexte politique où la Belgique et la CIA avaient mis des pressions".
Selon plusieurs sources, Etienne Tshisekedi alors Commissaire adjoint à la justice, était présent à la réunion du 14 et 15 janvier 1961, lorsque le Collège des commissaires (le gouvernement transitoire mis en place par Mobutu après son premier coup d'Etat), a décidé de transférer Patrice Lumumba à Bakwanga, là où personne ne doutait qu’il allait se faire tuer. Sous la pression de la Belgique, Lumumba sera finalement transféré le 17 janvier au Katanga sécessionniste de Moïse Tshombe, où il fut assassiné le soir même.
Lors de la Conférence nationale souveraine (CNS) qui s’est tenue à Kinshasa, entre 1990 et 1991 sous Mobutu, une Commission s’est penchée sur les crimes qui ont été commis depuis l’indépendance du Congo, y compris l’assassinat de Patrice Lumumba. "C’est un travail qu’il faut terminer aujourd’hui. Dès mon retour en RDC, je poserai la question aux historiens afin qu’ils déroulent le fil des événements liés à cet assassinat", promet Patrick Muyaya.
A quand le retour de la dépouille de Mobutu, dont la sépulture est à Rabat, au Maroc ? "Cela dépend de sa famille, les blocages se situent là. Le président Félix Tshisekedi a la volonté politique de réconcilier les congolais vis-à-vis de l’Histoire, que ce soit avec Lumumba ou Mobutu".