Comment est-on arrivé à cette situation presque paradoxale ?
Replongeons-nous en 1973. Patricia Hearst est une jeune fille de 19 ans qui vit avec son compagnon sur le campus de l’université de Berkeley au moment de son kidnapping. Si elle est enlevée ce jour-là, c’est parce qu’elle est issue d’une famille très riche : son grand-père se nomme William Randolph Hearst, celui auquel est consacré Citizen Kane, le film d’Orson Welles. Il a été au début du 20e siècle le rival de Pulitzer, le fondateur de la presse populaire.
Autrement dit, vu son pedigree, son kidnapping fait déjà la une des journaux. Mais l’affaire sort encore plus de l’ordinaire vu les raisons de ce kidnapping. Les ravisseurs portent le nom étrange d’armée de libération symbionaise. Symbionaise, de symbiose, qui en biologie désigne une interaction entre deux espèces différentes. L’idée sous-jacente serait celle d’une interaction positive entre les races. Son fondateur est noir, mais c’est le seul noir du groupe, il s’est évadé de prison où il a côtoyé des membres du Black Power. Le groupe prône la lutte armée. Il fait parvenir régulièrement des cassettes audios où l’on entend Patricia Hearst dire par exemple ceci : "Maman, papa, je vais bien. Je suis avec une unité de combat qui a des armes automatiques. Ces gens ne sont pas à côté de la plaque. Ils sont prêts à mourir pour ce qu’ils font et j’espère que tu vas le faire ce qu’ils disent papa, et que tu vas le faire rapidement". Les revendications de cette Armée de libération symbionaise sont dirigées vers la population marginalisée. Elle veut que le père Hearst distribue une aide à tous les démunis de Californie : l’équivalent de 70 dollars pour chacun d’entre eux, soit plusieurs millions de personnes. Cela paraît compliqué à réaliser. Le père de Patricia Hearst s’y essaie. Des camions chargés de nourriture partent pour distribuer une aide alimentaire. Mais c’est un désastre organisationnel et la plupart du temps les camions reviennent avec l’essentiel de leur marchandise.