Patients "jeunes" atteints, formes graves: le coronavirus est-il devenu plus fort, a-t-il muté ?

Patients "jeunes" atteints, formes graves: le coronavirus a-t-il muté?

© STR - AFP

Par Martin Bilterijs

Depuis quelques jours, certains alertent sur des formes sévères de coronavirus qui touchent des patients jeunes, d’autres font part de cas de médecins spécialistes de quarantaines et hospitalisés dans un état grave, ou même le président de la République française, Emmanuel Macron, déclarant qu’il fallait se préparer à une vague qui touchera aussi des personnes plus jeunes, certes en nombre plus réduit. Au départ, le Covid-19 semblait avoir une prédilection pour les personnes plus âgées et/ou à risque. Cela signifie-t-il que le virus a muté ? Est-il devenu plus agressif ? Quelle est la proportion de patients touchés par classes d’âge ? A quoi faut-il s’attendre ? On répond à vos questions.

1. Le virus a-t-il muté depuis le début de l’épidémie ?

Première précision : tous les coronavirus mutent. "Au fur et à mesure de ces mutations, il peut y avoir différentes évolutions, représentées par des arbres phylogénétiques. Par contre, le fait qu’il y ait différentes souches qui soient en circulation ne signifie pas qu’elles soient plus ou moins dangereuses des unes des autres", interpelle Marius Gilbert, épidémiologiste à l’ULB. Le fait que le virus mute et qu’il y ait différentes lignées évolutives, c’est dans la "nature" de ce type d’organisme.

Autre précision importante, contrairement à ce qui avait été annoncé par des chercheurs chinois, "il n’y a pas aujourd’hui de deuxième source de souche virale qui circule. C’est le même virus, avec les mêmes propriétés, la même contagiosité, la même virulence, qui circule aujourd’hui en Belgique et en Europe, qu’en Chine", affirme Emmanuel André, microbiologiste et membre du laboratoire de référence Coronavirus.

Emmanuel André est médecin, microbiologiste, professeur à la KULeuven et membre du laboratoire de référence Coronavirus

2. Les jeunes sont-ils plus touchés qu’on ne le croit ?

Le mieux pour cela est de se concentrer sur des chiffres dont nous disposons. Le professeur Marius Gilbert a comparé la situation avec l’Italie. "Ce qu’on voit, c’est que la répartition des décès y est tout à fait identique à la répartition des décès observée en Chine, c’est-à-dire une augmentation du risque de décès sur les plus âgés, et très, très, peu sur les jeunes. Sur les 800 premiers décès italiens, il y en a deux qui ont moins de 50 ans." Et la situation est identique chez nous.

En Belgique, il y a différent profil, différentes tranches d’âges qui sont touchées par la maladie, dont des populations actives, comme l’exemple de Camille, 31 ans. Parmi les personnes actives touchées, on retrouve du personnel soignant, fort exposé au virus, et dont certains développent des formes relativement sévères nécessitant des soins intensifs. "Ce virus atteint tout le monde, et il ne faudrait pas penser qu’uniquement les personnes âgées sont atteintes. Oui, la mortalité est plus importante chez les personnes âgées, mais les formes sévères existent également dans des tranches d’âge", reconnaît Emmanuel André. Il faut donc rester vigilant, d’autant plus que les jeunes peuvent être porteurs asymptomatiques, c’est-à-dire sans développer aucun symptôme du coronavirus, et pourtant le transmettre.

"Il ne faut donc pas que les jeunes se sentent immunisés et invincibles et à l’abri de cette maladie. Effectivement le danger pour eux est beaucoup plus faible que pour les personnes âgées, mais ils contribuent eux aussi à l’épidémie, à l’infection. Il faut les conscientiser", renchérit Marius Gilbert de l’ULB.

3. Une "deuxième vague" de contamination va-t-elle déferler ?

Pourquoi le président de la République française a-t-il parlé de deuxième vague touchant des jeunes ? A quoi correspond-elle ? Sans doute au fait que chez les jeunes adultes, l’évolution vers une forme sévère se fait plus tardivement, entre sept et dix-neuf jours après que les premiers symptômes sont apparus.

Autre explication, cette fameuse deuxième vague, selon Emmanuel André, correspond à toute la population qui n’a pas été touchée lors de la première.

Explications : pour que le virus arrête de circuler, il faudrait que la population soit immunisée contre lui. Or, cette immunité, on la développe soit en faisant l’infection, soit en étant protégé par un vaccin. Mais aujourd’hui, aucun vaccin n’existe. C’est tout le contraire de la grippe : la grippe est un virus saisonnier et récurrent, tout le monde a déjà pu l’attraper, et donc cela augmente l’immunité. Et en plus de cela, un vaccin existe. Et même s’il n’est pas toujours efficace, il réduit le nombre de personnes infectées et la sévérité des épisodes grippaux.

L’objectif maintenant dans la gestion de cette épidémie, ce n’est pas que les gens ne soient pas infectés par le virus, mais plutôt que les gens soient infectés à un rythme qui est tenable pour le système de santé, pour que nous puissions offrir les meilleurs soins aux quelques pourcentages de personnes qui développeront des formes sévères du coronavirus.

Marius Gilbert est épidémiologiste et maître de recherches FNRS à l'ULB
Marius Gilbert est épidémiologiste et maître de recherches FNRS à l'ULB © Tous droits réservés

4. Y a-t-il des profils génétiques plus exposés au coronavirus ?

Oui, mais selon notre expert de l’ULB, cela n’est pas spécifique à ce coronavirus-ci. "Par rapport à d’autres virus, vous prenez 100 personnes, vous les exposez aux mêmes pathogènes, vous allez avoir des réponses qui sont différentes. Cela fait partie de la variabilité interindividuelle. C’est tout à fait normal." Cela signifie que certaines personnes vont être plus sensibles à l’infection et vont faire des infections sévères, alors que d’autres passeront au-dessus grâce à un système immunitaire plus fort. Mais on ne connaît pas encore les déterminants qui permettraient d’expliquer pourquoi certaines personnes sont plus vulnérables que d’autres. "Cela fait partie des recherches qui sont en cours", ajoute Marius Gilbert.

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