Tour de France

Pas de report du Tour de France à l'ordre du jour

Le colombien Egan Bernal, aura t'il l'occasion de défendre son titre sur le Tour de France cet été?

© YORICK JANSENS - BELGA

L’EURO de foot reporté, des Jeux Olympiques qui s’écrivent désormais en pointillé, tous les regards se tournent à présent vers le troisième grand événement sportif de l’été. Qu’en sera-t-il du Tour de France qui doit normalement s’élancer de Nice le 27 juin ? L’organisateur, ASO, n’a pas encore donné de point de vue officiel. Et il ne le fera pas avant plusieurs semaines !

D’après nos informations, le report ou l’annulation du Tour ne sont pas à l’ordre du jour. Amaury Sport Organisation veut en effet se donner un maximum de chances et n’est pas confronté pour l’heure à une demande d’échéance. Sur le plan technique, France Télévision, qui réalise la captation, demande un délai minimum d’un mois pour pouvoir se retourner. Cela laisserait encore 8 semaines aux organisateurs pour plancher sur différents scénarios. Car contrairement aux Jeux Olympiques le Tour est beaucoup plus modulable. Il pourrait par exemple être maintenu aux dates initiales mais dans un format différent, beaucoup plus centré sur l’aspect sportif. Pour maintenir la plus grande course de l’année, ASO envisagerait différentes options. Retirer la caravane publicitaire, réduire les zones techniques et les nombreux médias présents, limiter le public dans certaines zones cruciales (départs et arrivées), etc.… Ces solutions sont à l’étude.

Le report d’un ou plusieurs mois reste aussi une solution. Au risque cette fois de compliquer la tâche des villes qui doivent accueillir les étapes.

Enfin, l’annulation pure et simple du Tour de France est également possible, en dernier recours. Car annuler le Tour c’est se priver de l’événement le plus populaire de l’année en France. Un événement qui pourrait même redonner le moral aux Français en ces temps de crise. L’argument convainc pour l’instant les plus hautes sphères de l’État français.

Entre considérations éthiques et économiques les coureurs et les équipes restent eux étonnamment discrets pour le moment. Aucune équipe n’a jusqu’ici demandé clairement le report ou l’annulation du Tour. Depuis son domicile colombien, où il est actuellement confiné, le tenant du titre Egan Bernal s’est lui exprimé sur les réseaux sociaux et s’est déclaré favorable à un report… Des Jeux Olympiques de Tokyo. A propos du Tour, qui commence pourtant plus tôt, il se montre plus évasif. "Tout ce que nous pouvons faire actuellement, c’est de rester à la maison pour faire face au coronavirus. Car cette menace passe bien avant le Tour de France ou les JO."

Pour les coureurs, les équipes, les organisateurs et l’État français, c’est donc la réalité du moment, le report du Tour reste tabou.

Les raisons de maintenir le Tour

Face aux reports qui se succèdent dans le monde sportif, il devient de plus en difficile d’imaginer que la 107e édition de la Grande Boucle partira bien de Nice le 27 juin prochain. Et pourtant, c’est bien l’option privilégiée actuellement par ASO et l’État français. Sont-ils aveugles ou égoïstes pour autant ?

Ils sont en tout cas inquiets. Car le Tour, c’est une exceptionnelle vitrine pour la France. Les conséquences économiques d’une annulation seraient évidemment importantes pour les villes qui doivent accueillir une étape et pour le groupe Amaury Sport Organisation mais aussi pour les équipes professionnelles. L’annulation des classiques et le report du Giro constituent déjà un grand manque à gagner pour les formations du World Tour. Mais, avec la visibilité qu’il octroie, le Tour de France est encore beaucoup plus important sur le plan financier. C’est en grande partie pour cette course que les entreprises mettent la main au portefeuille et associent leur image à celle d’une équipe cycliste. Le patron de l’équipe Deceuninck – Quick-Step, Patrick Lefevere a clairement évoqué cette inquiétude dans les colonnes du journal Het Nieuwsblad "ASO, les organisateurs du Tour de France, peuvent prendre un coup mais les équipes, elles, ne peuvent pas se le permettre" souligne le manager belge "S’il n’y a pas de Tour de France, le modèle économique du cyclisme pourrait s’effondrer". Une vision partagée par le directeur marketing de l’équipe, Alessandro Tegner, actuellement confiné près de Trévise en Italie. " Je suis d’accord avec Patrick, s’il y a une course que nous devons essayer d’avoir pendant l’année c’est le Tour. Si ce n’est pas possible en juillet alors peut-être en septembre ? Je ne sais pas. Dans les limites de la liberté, en tout cas, l’équipe continue à s’entraîner pour cela."

Les raisons de reporter le Tour

La première raison, c’est évidemment l’absence de garantie sur l’évolution de la pandémie. Le critère sanitaire doit l’emporter sur le critère économique. C’est la position défendue par l’ancien quintuple vainqueur de l’épreuve, Bernard Hinault. "Le sport, c’est fabuleux. Le Tour de France, c’est une fête fantastique. Mais c’est en dessous de la vie" précise l’ancien coureur français dans un entretien accordé au journal Le Parisien le 18 mars dernier. " On parle de risque de mort. Le vélo, franchement, on s’en fout dans ces cas-là. L’amoureux du Tour, il veut surtout voir des gens en bonne santé. S’il faut annuler le Tour, n’hésitons pas. En face, il y a une putain de maladie. C’est beaucoup plus grave !"

La deuxième raison, c’est l’inéquité provoquée par les différentes situations de confinements. Le peloton cycliste a mis pied à terre le 14 mars dernier au soir de la 6e étape de Paris-Nice mais depuis cette date, les coureurs ne sont pas tous logés à la même enseigne. Dans certains pays, comme en Belgique, les sportifs de haut niveau peuvent toujours s’entraîner sur la route. Dans d’autres, comme l’Italie ou la France, le confinement est total et les coureurs doivent s’entraîner chez eux. Pour Frédéric Grappe, directeur de la performance au sein de l’équipe française Groupama-FDJ, cette situation risque d’engendrer une dangereuse inéquité dans le peloton. "Les athlètes qui passent plusieurs semaines sur leur home-trainer perdent leurs réflexes au niveau de la maniabilité de leur vélo, le fait de frotter dans un peloton etc.… Ils perdent leurs automatismes et ce serait même dangereux de recommencer les courses sans période préalable d’entraînement sur la route. Si on veut une équité sportive et un spectacle qui soit cohérent il faudra tenir compte de cela sinon vous aurez un cyclisme à différentes vitesses".

Entre les risques sanitaires, l’impact économique et l’équité sportive, l’avenir du Tour de France 2020 semble plus que jamais précaire. En 117 ans d’histoire seules les deux guerres mondiales ont jusqu’ici privé les coureurs de départ.

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