Environnement

La Belgique championne des exportations de pesticides interdits chez nous

© Gettyimages

Par Johanne Montay

Dans l’Union européenne, 207 types de pesticides sont interdits ou fortement réglementés. Mais ce que les entreprises européennes ne peuvent plus vendre chez nous, elles le vendent toujours ailleurs. En particulier la Belgique, qui excelle dans l’exportation hors de l’Union de pesticides interdits. Cette pratique commerciale est actuellement toujours autorisée.

Une étude réalisée par 6 ONG (SOS Faim, Broederlijk Delen, FIAN, Iles de Paix, Viva Salud et Entraide et Fraternité) met en évidence le rôle capital de la Belgique dans cet envoi chez le voisin de produits interdits en Europe.

© Larissa Bombardi

Production record chez UPL (ex Chimac) à Ougrée

Pas moins de 50.000 tonnes de substances actives interdites à usage agricole ont été exportées par la Belgique entre 2013 et 2020. Cela représente près de 6200 tonnes par an, et ce, vers 70 pays différents. Notre pays est donc l’un des exportateurs de pesticides interdits les plus importants au niveau européen.

L’enquête des ONG cite notamment Syngenta Belgique, qui possède un site de production à Seneffe. D’après les données de l’administration belge, Syngenta a exporté vers le Brésil 153 tonnes de thiaméthoxame, un néonicotinoïde interdit en Europe, et pour lequel l’Europe interdit désormais les dérogations sur son marché intérieur. Ce pesticide est particulièrement nocif pour les insectes, les oiseaux et les abeilles. Par ailleurs, le Brésil est un fameux réservoir de biodiversité.

Autre exemple, cité dans le rapport : l’entreprise UPL (ex-Agriphar puis Arysta), qui possède un siège à Seraing (Ougrée), exporte d’après les auteurs du carbendazime vers les Philippines. Il s’agit d’un fongicide également interdit dans l’Union européenne et toxique pour la vie des poissons. En bout de chaîne alimentaire, le produit aspergé sur les cultures de bananes se retrouve dans l’alimentation que nous importons.

© Larissa Bombardi

L’industrie s’oppose à l’interdiction

Belplant, "l’association belgo-luxembourgeoise de l’industrie de la protection des plantes", anciennement appelée Phytofar, a déjà réagi en septembre dernier, pour s’opposer à l’interdiction de l’exportation des produits phytopharmaceutiques interdits en Europe.

Ses arguments mettent notamment en évidence la question de l’emploi : "Les principaux sites de production, dans lesquels sont fabriqués des produits phytopharmaceutiques ou des substances actives, représentent un total de 4630 emplois de qualité à temps plein en Belgique, dont 1403 emplois directs - 291 en Région wallonne et 1112 en Région flamande", explique Belpant sur son site internet. Belplant estime que "l’interdiction aura des conséquences importantes pour la Belgique, car elle n’aura pas seulement un impact direct sur la production, mais pourrait également entraîner une délocalisation complète des sites de production et des services associés."

La réponse des ONG

Cet argument de l’emploi a déjà été produit dans le passé par la fédération française des fabricants de pesticides. En France, depuis le 1er janvier 2022, la loi interdit l’exportation des produits phytosanitaires prohibés en Europe. C’est le premier pays qui a pris l’initiative de mettre fin à cette commercialisation hors Europe. Le journal Mediapart a montré dans une enquête que "le chantage à l’emploi du lobby des pesticides était basé sur un mensonge" et qu'"après l’entrée en vigueur de la mesure, les usines sont toujours là, parfois reconverties."

Cependant, il apparaît que les industriels français parviennent à se glisser dans une brèche, pour tout de même exporter, non pas les produits phytosanitaires finis, mais les substances elles-mêmes. D’après l’ONG suisse Public Eye, interrogée par France Info, la loi française a tout de même eu un certain impact car les volumes exportés ont diminué de trois quarts depuis 2021.

© SOS Faim

Et en Belgique ?

La Belgique se prépare à cesser également cette exportation de pesticides interdits d’utilisation en Europe. La ministre de l’Environnement Zakia Khattabi prépare un projet d’arrêté royal en ce sens. Le texte a été avalisé en décembre dernier par la Conférence interministérielle de l’Environnement et a été soumis à une demande d’avis de la Commission européenne et d’autres organes d’avis.

Au niveau européen, une réflexion est également en cours pour adopter une mesure globale d’interdiction d’export, dans le cadre du Pacte vert européen. La Belgique agira-t-elle sans attendre, à l’instar de la France ? C’est l’intention de la Ministre. Car comment justifier que ce qui n’est pas bon pour les Européens, serait bon pour le reste du monde ?

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