Né en 1904, Edgar P. Jacobs a créé Blake & Mortimer peu après la Seconde Guerre mondiale, en 1946, dans le tout premier numéro du Journal Tintin. 75 ans plus tard, son univers, poursuivi par plusieurs équipes de scénaristes et de dessinateurs, est plus populaire que jamais. Sans doute parce que l’homme qui était derrière Blake & Mortimer n’était pas un simple dessinateur copiant plus ou moins ses semblables. Ancien artiste lyrique passé tardivement à la BD, Jacobs allait révolutionner ce qui, jusque-là, était considéré comme un divertissement pour les jeunes.
Le premier épisode de ce podcast commence dans les coffres d’une célèbre banque belge. L’archive date de 2004. Pour la toute première fois, les caméras de la RTBF sont invitées à filmer le " trésor de guerre " de Jacobs.
Lorsqu’il meurt à la fin des années 80, le créateur de Blake & Mortimer pense avoir tout prévu. De son vivant, il a créé une fondation et mis ses originaux à l’abri. Il y a là les planches de tous ses albums, des calques préparatoires très poussés, des esquisses, de la correspondance, la documentation qui a servi à réaliser ses histoires, des maquettes de prototypes inventés au gré de ses fictions et tout un tas d’objets personnels. Jacobs est le premier créateur de bande dessinée à penser à sa postérité avec tant de minutie. Pourtant, en entendant dans cette archive l’ex-président de la Fondation Jacobs dire que l’auteur a mis ses originaux dans ces coffres pour les placer " à l’abri des affairistes de la bande dessinée ", on savoure la tragique ironie de cette prophétie.
En 2017, en effet, le journaliste du Soir Daniel Couvreur, révèle que les coffres en question ont été largement pillés. Et que des orignaux de Jacobs ont été vendus par plusieurs galeristes spécialisés à des prix vertigineux. L’enquête judiciaire est toujours en cours, plusieurs personnes sont inculpées dans ce qui apparaît comme le plus grand scandale lié au marché de la vente d’originaux de bande dessinée. Cette affaire résume en quelque sorte toute la vie de Jacobs. Comme si le créateur de Blake & Mortimer avait écrit lui-même le scénario de son existence, forgeant sa légende - la forçant parfois un peu, à l’occasion - et prévoyant un chapitre post-mortem où il serait la victime d’une ultime machination.