" Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en l'Auteur, et le Verbe était l'Auteur.
Il était au commencement en l'Auteur.
Tout par lui a été fait, et sans lui n'a été fait rien de ce qui existe.
Il y eut un homme, envoyé de l’Auteur;
son nom était Jean."
Son nom était Jean. Louis. Pierre. Charlotte. Elisa. Leïla.
Il y eut des hommes et des femmes
Et des hommes
Et des femmes
des légions diable au corps
feu aux lèvres bouches ouvertes articulant
s’appliquant
répétant
encore et encore
pour que ça sonne
pour que ça sonne juste
Pour que ça vive
Chaim
Chaim
Vita
vie
état d'activité de la substance organisée
vies au pluriel parce que vie au singulier ça n’existe pas
Chaim
et Jean Louis Pierre Charlotte Elisa Leïla
articulaient
répétaient
Chaim
Chaim
pour que ça sonne juste
Pour que ça sonne
Chaim c’est le verbe
et le verbe c’est la chair
et la chair c’est Jean Louis Pierre Charlotte Elisa Leïla
c’est des hommes et des femmes boule au ventre monde aux lèvres
verbe au bout des doigts au bout de la langue
Chaim
Ils le répétaient jusqu’à ce que ça sonne juste
ils parlaient et ils sauvaient le monde
sauver le monde
ouvrir la bouche faire un son parfois avec les dents parfois avec la langue parfois avec les deux
Chaim
et puis fermer la bouche pour faire le silence pour qu’on entende mieux le mot qui sort de la bouche ouverte et puis fermée
Chaim
Ils parlaient et ils sauvaient le monde
sans halo de lumière
sans ange à clarinette
sans intervention de l’Esprit Saint
avec le verbe
Chaim
au bout des doigts au bout de la langue
sans mot pas de chair
et sans chair pas de Jean Louis Pierre Charlotte Elisa Leïla
né.es du sang
né.es de la chair
de la sueur
des cris
immaculée conception mon cul
conception de cul de sueur de chair de cris de mots
de mots
Chaim
et le verbe s’est fait chair
Il peut durer aussi longtemps
aussi longtemps qu’on le décide
tant qu’on continuera de l’écrire de le dire très vite très fort
de le chuchoter
il sera là
Et Dieu sera là
dans l’Auteur
dans son infini pas fini
Parce qu’on le décide
On nous a soufflé la parole dans nos narines d’hommes de femmes
On nous a soufflé le verbe et le verbe s’est fait chair
On conduit pas d’ambulance
On éteint pas d’incendies
Mais on dit
Chaim
Chaim
et le verbe s’est fait chair
et on doit le porter
on doit le porter
au pluriel et pas au singulier
sans halo de lumière
sans ange à clarinette
Chaim le verbe s’est fait chair
et nous
acteurs actrices
on la porte notre chair comme une carcasse comme un costume comme une couverture qui pue ou qui sent bon
on la porte notre chair on la monte on la montre
dans la lumière tout seul ou à deux ou à plusieurs mais même au pluriel y a toujours un peu de singulier
avec ta chair que tu dois porter
ce verbe que tu dois crier
Chaim Chaim
t’as de la chance pour le coup t’as un peu de halo de lumière
mais c’est pas divin
c’est Régis le régisseur derrière sa fenêtre en verre
et toi comme ça sur scène
et vous comme ça devant nous
tout est possible quand on monte dans la lumière pour porter notre chair
même si elle pèse quatre tonnes
même si elle sent la sueur
même si on a les tripes toutes nouées
parce qu’on a la boule au ventre et le monde aux lèvres
le verbe au bout des doigts au bout des cheveux
Chaim
Chaim
Je conduis pas des ambulances
mais je dis
Je me fais chair
Je me fais verbe
et je sauve le monde
Je me fais l’alphabet du Ciel
et de la terre
et je dis.
Chaim, un texte d'Elisa Peters (2020).