Le Consortium International des Journalistes d’Investigation (CIJI) travaillait sur ce dossier depuis un an : pas moins de 11 millions de documents, provenant de quatorze cabinets financiers basés dans des paradis fiscaux comme le Panama, les Iles Vierges, Dubaï… Et concernant plus de 29.000 sociétés offshore. L’enquête est baptisée "Pandora Papers", en référence à la boîte de Pandore.
Sur le volet belge, on apprend que plus de 1200 Belges âgés de 16 à 90 ans ont été attirés par l’évasion fiscale. Pour faire le point sur ce dossier, QR l’actu a invité Michel Claise, juge d’instruction spécialisé dans la criminalité financière, et Sabrina Scarna, avocate fiscaliste.
Lutter contre l’évasion fiscale ?
Pour Sabrina Scarna, les décisions visant à contrer l’évasion fiscale sont très importantes : "Peu de gens le savent, mais il y a énormément de mesures qui ont été prises. A titre d’exemple, nous avons des échanges d’informations sur les comptes étrangers et les délais pour permettre à l’administration fiscale d’enquêter et de traiter l’information ont été allongés, de même que le délai de prescription… Ces dix dernières années, les autorités internationales, tant européennes que belges, se sont mobilisées, mais ce qu’il manque, ce sont des moyens pour appliquer les mesures".
Le juge Claise abonde également dans ce sens : "Nous manquons cruellement de moyens, tant au niveau du SPF Finances qu’au niveau de la justice. Lorsque le gouvernement Vivaldi annonce qu’il va lutter contre la fraude fiscale mais qu’il supprime le poste de secrétaire d’État, il y a là une contradiction immense. J’espère donc que ce nouveau scandale fera écho auprès du monde politique. Nous avons perdu près de la moitié des policiers qui traitaient ce genre d’affaire. C’est une véritable catastrophe".
1200 Belges à poursuivre
A en croire le juge Claise, le scandale des Pandora Papers ne servira pas à grand-chose. "Quand on évoque des comptes offshore qui passent par des sociétés fiduciaires, le contrôle est absolument impossible. Aujourd’hui, le consortium de journalistes nous confie 1200 Belges qui auraient des comptes offshore… Mais c’est comme si l’on nous donnait un coffre-fort sans la clé."
Évasion et fraude fiscale
Ne faut-il pas considérer l’évasion fiscale comme de la fraude fiscale, à partir du moment où l’évasion fiscale cherche à échapper à l’impôt ? Pour l’avocate fiscaliste, il ne faut pas mélanger ces deux notions : "La fraude existe à partir du moment où quelqu’un se soustrait à l’impôt en violant une loi, alors que l’évasion fiscale, ou ingénierie fiscale, désigne les mécanismes visant à trouver des solutions pour payer moins d’impôts, et ce dans le respect de la légalité. Or, il ne faut pas confondre à mon sens légalité et moralité".