Panama Papers: où sont les paradis fiscaux? (infographie)

Antigua-et-Barbuda fait partie des 30 paradis fiscaux listés par la Commission européenne en juin 2015.

© JEWEL SAMAD - AFP

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Par V. De Muylder avec Belga

240 000 sociétés offshores, situées dans 21 paradis fiscaux, viennent de sortir de l’ombre. C’est le résultat des investigations d'un consortium de journalistes - l'ICIJ - suite à une importante fuite de documents financiers. Mais qu'est-ce qu'un paradis fiscal au juste? Existe-t-il une liste de ces lieux qui offrent leur tranquillité aux plus fortunés? La réponse est oui, il en existe même plusieurs! Mais leur contenu varie en fonction de l'organisation qui les publie, et à mesure que les États concernés s'engagent sur la voie de la transparence.

Qu’est-ce qu’un paradis fiscal ?

Au cœur du scandale Panama Papers se trouve le cabinet d’avocats panaméen Mossack & Fonseca, spécialisé dans la création de sociétés offshores, des sociétés fictives ou "sociétés-écrans" permettant à de riches clients de dissimuler leur argent dans des paradis fiscaux. Ces paradis fiscaux, ce sont des "pays ou territoires où certains impôts sont très bas, voire inexistants, et qui cultivent une certaine opacité sur les titulaires des comptes et des sociétés" peut-on lire sur le site du journal Le Monde. Ramon Fonseca Mora, le directeur du cabinet d'avocats aujourd'hui sous le feu des critiques, voit les choses ainsi: "Il y a deux manières de voir le monde: la première est d'être compétitif et la seconde de créer des impôts"...

Sur son site, Le Monde explique, en images et en 3 minutes, le fonctionnement de ce système.

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Une liste noire européenne des paradis fiscaux

Une liste européenne de 30 paradis fiscaux non coopératifs a été rendue publique en juin 2015 par la Commission européenne. Le commissaire européen pour les Affaires économiques et financières, Pierre Moscovici évoquait alors des estimations faisant état de 17 000 milliards d'euros stockés dans les paradis fiscaux, soit davantage que le PIB des 28 pays membres de l'UE – 14 000 milliards d'euros. Cette liste reprend le "top 30" des juridictions non coopératives citées par au moins dix États membres de l'UE et est vouée à évoluer.

Une liste européenne de 30 paradis fiscaux non coopératifs a été rendue publique en juin 2015 par la Commission européenne.
Une liste européenne de 30 paradis fiscaux non coopératifs a été rendue publique en juin 2015 par la Commission européenne. © RTBF

La Belgique aussi a ses listes

Sur le site de la Commission européenne, une carte interactive mise à jour au 31 décembre 2015 permet également de découvrir la liste de pays listés par la Belgique – et par d'autres États membres – à des fins fiscales.

Du côté du SPF Finances, on signale deux listes de pays reprises dans le Code belge des impôts sur les revenus et mises à jour par arrêté royal le 1er mars 2016:

  • La liste des "pays dont les dispositions de droit commun en matière d'impôts sont notablement plus avantageuses qu'en Belgique" comprend 31 pays: Abu Dhabi, Ajman, Andorre, Bosnie-Herzégovine, Dubaï, Gibraltar, Guernesey, Jersey, Kirghizistan, Koweït, Kosovo, Liechtenstein, Macao, Macédoine, Maldives, Ile de Man, Iles Marshall, Micronésie (Fédération de ...), Moldavie, Monaco, Monténégro, Oman, Ouzbékistan, Paraguay, Qatar, Ras al Khaimah, Serbie, Charjah, Timor oriental, Turkménistan et Umm al Qaiwain.
  • La liste des "États à fiscalité inexistante ou peu élevée" comprend quant à elle 30 États: Ajman, Anguilla, Bahamas, Bahreïn, Bermudes, Iles vierges britanniques, Iles Caïman, Dubaï, Fujairah, Guernesey, Jersey, Ile de Man, Iles Marshall, Micronésie, Monaco, Monténégro, Nauru, Ouzbékistan, Palau, Iles Pitcairn, Ras al Khaimah, Saint-Barthélémy, Charjah, Somalie, Turkménistan, Iles Turques-et-Caïcos, Umm al Quwain, Vanuatu et Wallis-et-Futuna.

Florence Angelici, porte-parole du SPF Finances, parle d'une tendance de fond ces dernières années, qui rend le recours aux paradis fiscaux plus difficile : "La mode est à la transparence, et plus tellement au secret bancaire". Ce dernier est devenu "de plus en intolérable aux yeux du public" et de nouvelles mesures sont prises, au niveau international, pour  imposer l’échange d’informations fiscales entre États. Avec pour conséquence que "les gens doivent aller de plus en plus loin" pour trouver de réels paradis fiscaux.

Sabrina Scarna, avocate fiscaliste, était l'invitée du JT de 13h et confirmait cette évolution. Pour elle, "le véritable moyen de lutter, c'est l'échange d'informations international. Depuis de nombreuses années, et surtout les dernières, on voit une évolution très marquée. La Suisse, le Luxembourg, des pays, qui étaient le bastion du secret, ont lâché prise.  On aura l'échange d'informations dès 2018 avec la Suisse. Et des pays comme la Panama font des avancées, parfois à reculons, mais vont aussi vers l'échange d'informations. A ce moment-là, entre les lois que nous avons en Belgique et l'information que recevrons les autorités, ce sera bien plus difficile pour les fraudeurs d'échapper aux fourches caudines ".

"Les gens doivent aller de plus en plus loin"

OCDE : la Belgique sur liste blanche... depuis 2009

En dressant une liste noire dans la foulée du précédent scandale fiscal du LuxLeaks, l'UE s'est inspirée des démarches de l'OCDE pour pointer du doigt les pays les moins coopérants fiscalement afin de les inciter à adapter leur pratique. L'organisation coordonne mondialement la lutte contre l'évasion fiscale, notamment via le Forum global sur la transparence et l'échange d'informations fiscales qui se réunit régulièrement.

En 2000, l'OCDE a publié un premier document nommant les paradis fiscaux. Dans les deux années suivantes, 31 juridictions se sont engagées à appliquer les principes de l'OCDE pour plus de transparence et d'échange de renseignements en matière fiscale.

Les pays qui ont tardé à accepter d'améliorer leurs méthodes étaient Andorre, le Liechtenstein, le Liberia, Monaco, les Îles Marshall, Nauru et Vanuatu, mais ces territoires n'ont progressivement plus été considérés comme "non coopératifs" au cours de la décennie.

En 2009, l'OCDE a donc réitéré l'exercice et publié une liste noire de paradis fiscaux comptant le Costa Rica, la Malaisie, les Philippines et l'Uruguay, car ces pays ne s'étaient pas engagés à respecter les standards internationaux. Cette liste s'est évaporée quelques jours à peine après sa publication, car ces quatre pays se sont engagés immédiatement à coopérer plus activement en matière d'échange d'informations fiscales.

Une liste grise accompagnait cette liste noire et ciblait quant à elle 38 pays qui s'étaient bien engagés à respecter les standards internationaux, mais n'avaient pas signé suffisamment d'accords pour faire preuve de bonne volonté. La Belgique figurait sur cette liste aux côtés de Monaco, du Liechtenstein, des Pays-Bas, de la Suisse ou du Luxembourg, entre autres.

Trois mois plus tard, la Belgique a été reclassée dans la liste blanche de l'OCDE qui a jugé que le pays avait "substantiellement mis en oeuvre les standards fiscaux internationaux" après la signature d'une douzième convention établissant l'échange d'informations fiscales.

Cette liste grise s'est elle aussi progressivement vidée au fur et à mesure que les États atteignaient ce seuil de 12 signatures de conventions conformes aux standards de l'OCDE.

Ces listes de paradis fiscaux ne sont pas exemptes de critiques, leur établissement étant soumis aux pressions des États qui souhaitent à tout prix ne pas y voir figurer leur territoire, c'est le cas par exemple pour l'île de Jersey.

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