On voudrait que la musique soit un domaine artistique asexué, où les questions de genre n’auraient pas lieu d’être, la musique se suffisant à elle-même. Et pourtant, la musique, tout en étant "le plus spirituel des arts", est également "le plus corporel" (Bourdieu, 1984), où la loi du genre est extrêmement présente.
En effet, dans l’esprit commun, les instruments ont un sexe, ou plutôt, un genre. Le tuba, le cor et autres grands cuivres, nécessiteraient du souffle et de la force, qualité que l’on rattache (à tort) au genre masculin. Le violoncelle, par la position que le musicien doit adopter pour en jouer, a également longtemps été réservé à la gent masculine. Mais au-delà des instruments en soi, ce sont également certains postes et statuts qui sont largement occupés par les hommes, depuis les solistes, en passant par les tuttistes, ou encore le poste de premier violon. Les orchestres civils et militaires ont dès lors largement été un territoire masculin, en dehors de quelques harpistes, voire quelques violonistes et altistes tolérées au début du XXe siècle. Les arguments invoqués pour légitimer cet entre-soi étaient variés : la femme serait moins créative, aurait un son faible, ne pourrait assumer les horaires nocturnes, perturberait l’entre-soi masculin… Autant d’arguments misogynes qui empêchaient les femmes à accéder à une carrière d’instrumentiste d’orchestre. Mais les choses vont changer à partir des années 70.