Séisme en Turquie et en Syrie

Organisation des secours en Syrie : "la réponse humanitaire est excessivement compliquée", confirme Médecins sans frontières

L'invité: Emmanuel MASSART, responsable des opérations MSF en Syrie

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Par Thomas Gadisseux, avec A.P. via

Un mois après le séisme qui a frappé la Syrie et la Turquie, ce lundi 6 mars concentre de nouveaux appels à la solidarité vers le consortium 12-12.

Médecins sans Frontières ne fait pas partie du Consortium 12-12, pour des questions d’indépendance, mais participe à l’appel à la générosité. MSF est sur place depuis les premières heures du séisme. L’association est notamment présente en Syrie; et elle l’était avant le séisme, via la prise en charge des réfugiés. C’est l’enfer qui se poursuit là-bas, puisque depuis 12 ans, le pays vit une guerre civile avec des millions de réfugiés. Et une aide humanitaire, encore plus essentielle après le séisme, qui peine à arriver vers les populations.

"La réponse humanitaire est excessivement compliquée, confirme Emmanuel Massart, responsable des opérations MSF en Syrie. La guerre a été dévastatrice dans la région. Les besoins humanitaires étaient déjà importants avant le séisme et on n’arrivait pas à couvrir ces besoins. Dans le nord-est de la Syrie, dans la poche d’Idlib, il y a environ 4 millions de personnes dont 2,5 sont des déplacés, qui vivent dans des camps de réfugiés. C’était déjà très important. Alors aujourd’hui… On n’a pas d’estimation du nombre de réfugiés supplémentaires mais les dommages ont été importants donc il y a bien plus de gens que cela qui ont besoin d’aide. Ça va encore être plus compliqué."

Des hôpitaux et des structures de santé eux-mêmes touchés

En Syrie, les derniers chiffres font état de 6000 victimes mais pourraient être plus élevés. "Je ne veux pas spéculer, nuance Emmanuel Massart, mais ces chiffres semblent relativement bas par rapport à ce que l’on constate sur le terrain".

Dans le nord-est de la Syrie, une cinquantaine de centres de soins ont eux-mêmes été fortement abîmés ou détruits lors du tremblement de terre. Sur quoi les organisations humanitaires peuvent-elles se reposer ? Là encore, c’est compliqué, en sachant que les infrastructures étaient déjà insuffisantes. "C’est le travail en cours, explique Emmanuel Massart, on met en place de structures temporaires, pour rouvrir des hôpitaux. Dans les hôpitaux que nous avons, il y a aussi des problèmes, avec des structures qui présentent des failles. On ne peut plus les utiliser et on doit décentraliser nos activités médicales en dehors.

Autre difficulté : les interlocuteurs sur place. La guerre civile a rendu tout compliqué : la recherche d’interlocuteurs officiels, les accès à la zone… "Il y a DES partenaires officiels, confirme le responsable des opérations MSF en Syrie; les groupes qui contrôlent la zone puis des partenaires informels. Il n’y a pas de gouvernement fort, la zone n’est pas sous le contrôle du gouvernement de Bachar El Assad. Et donc l’interlocuteur est multiple."

Comment peut-on s’assurer que l’argent va où cela est nécessaire ?

Vu l’incertitude et l’instabilité dans la région, comment peut-on s’assurer que l’argent va où cela est nécessaire ? "Médecins sans frontières travaille dans la région depuis des années, et on a des opérations très stables. Elles ont forcément changé avec le tremblement de terre mais on continue à intervenir en première ligne. Il n’y a donc pas de dons directs en argent ou en matériel aux autorités syriennes. "Le principe de MSF, c’est de mettre en place nous-mêmes les opérations, avec l’argent que l’on reçoit. Ce sont nos équipes qui mettent en place, avec bien sûr des partenaires locaux. C’est comme cela qu’on travaille, en mettant en place les activités nous-mêmes. A la mi-février, MSF avait lancé un nouvel appel aux dons, à destination précisément de son travail en Turquie.

Le problème de la destination de l’argent s’est posé en Turquie. Médecins sans frontières a proposé son aide mais là, le partenariat n’a pas été possible. Le gouvernement turc voulait de l’argent ou du matériel et gérer lui-même la situation. "Ce n’est pas notre mode d’action, objecte Emmanuel Massart, quand on arrive avec nos équipes et notre matériel, c’est pour mettre les choses en place, c’est aussi un gage de qualité, on a des standards de qualité élevés. C’est comme cela que l’on intervient. Arriver pour financer un partenaire à gauche ou à droite, ce n’est pas notre façon de travailler."

L’accès aux zones reste compliqué. "On arrive à faire passer des biens, et c’est compliqué, c’est certain. Avant le tremblement de terre, il n’y avait un point de passage officiel entre la Turquie et le nord-est de la Syrie. Un autre a été ouvert mais c’est sûr que c’est un obstacle à l’acheminement de l’aide sur place."

Le plan humanitaire était déjà sous-financé avant le tremblement de terre.

Une mobilisation pour la reconstruction de la Syrie est-elle crédible ? "Personnellement, je crois que ça va être excessivement compliqué de mettre sur la table l’argent nécessaire à la reconstruction de la Syrie. On le voyait déjà bien, avant le tremblement de terre. Il y a des appels de fonds, notamment par la Commission européenne ; déjà entre ce qui est demandé en termes d’argent par les Etats et ce qui est réellement donné, on a déjà un gap relativement important. Le plan humanitaire était déjà sous-financé avant le tremblement de terre. Il y a peu de chance que ça change de façon importante".

Pour le Consortium 12-12, Les dons peuvent être effectués via le numéro de compte bancaire du Consortium : BE19 0000 0000 1212 et la page de dons en ligne www.1212.be. Les dons peuvent être également effectués via le numéro de compte bancaire de MSF qui opère sur le terrain : BE73 0000 0000 6060 et la page de dons en ligne (cliquez ici).

A propos de l’intervention des secours, écoutez aussi le Focus de Matin Première, avec le reportage de nos envoyés spéciaux et l’interview de Gilles VAN MOORTEL, coordinateur du consortium 12-12

Une femme syrienne à Raqa, ville du nord de la Syrie tenue par les rebelles, le 1er mars 2023
Une femme syrienne à Raqa, ville du nord de la Syrie tenue par les rebelles, le 1er mars 2023 © AFP – DELIL SOULEIMAN

1 mois après le séisme en Turquie et en Syrie

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