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Opération Blackstone : un succès de la diplomatie belge

Hadja Lahbib, ministre des affaires étrangères, a accueilli les trois otages libérés dans la nuit de vendredi à samedi.

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Par Clara Weerts

"Je pense que c’est la première fois dans l’histoire qu’un pays parvient à libérer des citoyens qui ne sont pas ses ressortissants", déclarait Hadja Lahbib, ministre des affaires étrangères, à l’arrivée des trois Européens sur le sol belge. La Belgique a négocié, initié et obtenu leur libération, une semaine après celle d’Olivier Vandecasteele.

Une libération un peu insolite

Selon Jonathan Piron, spécialiste des relations internationales et de l’Iran, le moment est rare. "D’abord parce que des étrangers, des personnes qui n’étaient pas belges ont été libérées grâce à la Belgique. Mais aussi, car l’Iran a accepté de relâcher deux personnes ayant la double nationalité." L’Iran ne reconnaît pas la double nationalité et a beaucoup de réticences à libérer ses nationaux. "On est vraiment dans un succès de la diplomatie belge par rapport à ces deux évidences" ajoute-t-il.

Quelle monnaie d’échange ?

Mais comment expliquer une telle réussite ? De son côté, l’Iran a récupéré Assadollah Assadi, condamné chez nous pour terrorisme à 20 ans de prison. Alexander De Croo, le Premier ministre, a déclaré qu’il n’y avait pas eu d’échange monétaire. L’Iran a accepté de relâcher ces personnes mais les démarches restent floues.

"Nous ne saurons jamais exactement comment se sont déroulées les négociations. C’est mieux de garder cette discrétion parce qu’il y a encore beaucoup d’autres otages détenus en Iran", insiste Jonathan Piron. L’Iran mène une véritable diplomatie des otages dont un épisode s’est achevé cette nuit mais il reste 22 ressortissants européens dans les prisons iraniennes.

L’Iran s’ouvre aux négociations

Ces libérations suivent celle du Français Benjamin Brière et du Franco-Irlandais Bernard Phelan, relâchés le 12 mai dernier. Selon Jonathan Piron "Il y a une phase d’apaisement qui est en train de se mettre en place. Mais il faut rester attentif car l’Iran fait parfois tourner en bourrique les négociateurs internationaux."

On peut aussi imaginer que c’est pour cette raison que l’opération Blackstone s’est déroulée en deux temps : "Les Iraniens pourraient avoir imposé cette idée dans un esprit de communication de puissance destiné à l’intérieur du pays. Tout en insistant sur leur contrôle à l’international."

Un relâchement des sanctions ?

Une réunion importante se profile pour l’Iran. La semaine prochaine, l’Agence Internationale de l’énergie atomique va réexaminer des activités nucléaires. Des nouvelles sanctions pourraient tomber. Les stocks d’uranium dépassent 23 fois la limite autorisée. L’Iran cherche-t-il à temporiser ?

En 2015, l’accord sur le nucléaire iranien a été signé entre l’Iran, le conseil de sécurité des Nations unies et l’Union européenne. Le but était de contrôler la production nucléaire de l’Iran pour limiter son utilisation et son accès à l’arme atomique. En 2018, l’administration Trump décide de quitter l’accord sur le nucléaire. De lourdes sanctions internationales sont en place contre l’Iran. Selon Jonathan Piron, "C’est la stratégie de la pression maximum. Le but est de faire tomber l’économie pour faire tomber le régime".

C’est la stratégie de la pression maximum. Le but est de faire tomber l’économie pour faire tomber le régime.


Jonathan Piron, spécialiste des relations internationales et de l’Iran

L’Iran espère une levée des sanctions. "L’économie est en grande difficulté, l’inflation est très haute. Il y a cette volonté de retrouver un peu de marge de manœuvre dans un contexte social et économique difficile à l’intérieur du pays", explique Jonathan Piron.

Aujourd’hui, il y a une ouverture du côté des Américains qui envisagent une reprise des négociations autour du nucléaire. Mais le contexte reste compliqué pour Jonathan Piron : "Tout ça demande beaucoup de temps et de confiance. Mais pour le moment, il n’y en a pas entre les acteurs."

Une politique iranienne qui pose problème

La situation en Iran inquiète toujours l’Europe et les États-Unis. D’abord, à cause des répressions des manifestations pour Mahsa Amini, cette femme décédée après une arrestation de la police des mœurs pour "vêtements inappropriés".

L’Iran est aussi devenu un acteur du conflit entre la Russie et l’Ukraine, puisque Téhéran soutient la Russie"Donc il faut aussi envisager ces différents éléments pour essayer de voir comment les positions vont évoluer et dans quelle mesure aussi le comportement de l’Iran va être adapté par rapport aux demandes justement des négociateurs", conclut Jonathan Piron.

Extrait du JT du 03/06/2023

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